Avoir du temps libre nous rend-il plus heureux?

« Le temps c’est de l’argent » et « travailler plus pour gagner plus » sont des expressions et slogans directement nés de la conception du temps comme ressource. En effet, le temps est limité et donc précieux, la journée faisant 24 heures et pas une de plus, la semaine 7 jours et l’année 365 (+1 tous les 4 ans). Or, nous passons une bonne partie de notre temps éveillé à travailler et si l’on additionne à ce temps celui passé à faire des tâches ménagère, il n’est pas rare de se sentir piégé dans une routine qui ne laisse que peu de place aux loisirs, aux amis et à la famille. Il semble donc que nous faisons face à une question de quantité de temps : Serions-nous plus heureux si nous avions plus de temps libre?

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La réponse: peut-être, mais ça dépend. Des chercheurs en sciences sociales de l’Université de Standford et du Winconsin-Madison aux Etats-Unis nous démontrent dans cet article que plus de temps libre n’équivaut pas forcément à une augmentation du bien-être. Pour le démontrer, Dr. Young et Dr. Lim ont étudié les émotions positives et négatives de près d’un demi million de personnes en fonction des jours de la semaine et ont comparé ces données entre deux groupes d’individus dont la quantité de temps libre est à priori très différente : les travailleurs et les chômeurs.

Première conclusion relativement triviale: malgré plus de temps libre les chômeurs sont en moyenne moins heureux, plus anxieux et inquiets que les travailleurs quel que soit le jour de la semaine. Mais vous me direz que ça n’a pas grand chose à voir avec le temps libre, puisque le chômage veut également dire que l’on a moins de revenu, moins de reconnaissance sociale, et la pression de retrouver rapidement un emploi. Et vous avez parfaitement raison. Le résultat intéressant de cette étude n’est pas sur cette différence brute, mais sur le fait que chômeurs et travailleurs montrent exactement la même variation d’humeur au cours de la semaine: Une humeur au plus bas le lundi qui ne cesse de s’éclaircir  pour atteindre un pic de bonne humeur le week-end.

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Il est assez aisé de comprendre pourquoi le travailleur est heureux de voir le samedi s’approcher : cela signifie la fin du travail et le début des activités sociales et de loisirs. Mais la question directement soulevée par ce résultat est la suivante: pourquoi le week-end est-il autant important pour les chômeurs que pour les travailleurs? En effet, le chômeur n’est pas contraint de la même façon que le travailleur, et peut en théorie profiter de son temps libre de la semaine. Et bien selon les chercheurs, la réponse tient au fait que le temps libre des jours de semaine n’a pas la même « qualité » que le temps libre du week-end. Et cette qualité dépend directement du nombre de personnes qui partagent ce temps libre.

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Scène typique d’un week-end estival à Paris. Au programme : sortie, amis, loisirs

Le plaisir du week-end vient précisément du fait qu’une grande majorité de la population le partage. Grâce à la synchronisation sociale des emplois du temps, le week-end voit une augmentation nette du temps passé avec les amis et/ou la famille, que ce soit pour les chômeurs ou les travailleurs. Par ailleurs, au delà des relation amicales et familiales, il est également à noter que les activités sociales comme le shopping, boire un café en terrasse, manger au restaurant, se balader en forêt ou à la mer etc, se déploient massivement le week-end. Les chercheurs émettent également l’hypothèse qu’au delà de l’augmentation du nombre d’interactions sociales, c’est également la qualité des interactions qui se voit augmentée le week-end, en raison de la chute du stres et du mieux-être expérimenté à l’échelle individuelle. Par ailleurs, le week-end, ni les travailleurs, ni les chômeurs ne sont soumis à la pression sociale de devoir « produire » ou « trouver un emploi ». C’est en quelque sorte le moment de la semaine où « le titre » social s’efface quelque peu.

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En bref, il semblerait que pour qu’une augmentation du temps libre augmente le bien-être, il faut que ce temps libre soit partagé. Cette étude permet de réfléchir avec d’avantage d’éléments à  l’organisation du travail à l’échelle de la société: doit-on travailler le dimanche? Le week-end doit-il disparaître au profit de plus de plasticité individuelle? Ou au contraire, ne faut-il pas travailler à synchroniser (dans la mesure du bon sens) les heures de travail afin de garantir un espace de bien-être social?

En conclusion, je propose donc, solennellement, une augmentation de la durée du week-end à trois jours pour tous. Votez pour moi.

Aller, sur ce, bon weekend, et à la semaine prochaine !

Lydie

Sources:

Article du New York Times écrit par Dr. Young 

Article scientifique en open access dans le journal Sociological Science

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