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Avoir du temps libre nous rend-il plus heureux?

« Le temps c’est de l’argent » et « travailler plus pour gagner plus » sont des expressions et slogans directement nés de la conception du temps comme ressource. En effet, le temps est limité et donc précieux, la journée faisant 24 heures et pas une de plus, la semaine 7 jours et l’année 365 (+1 tous les 4 ans). Or, nous passons une bonne partie de notre temps éveillé à travailler et si l’on additionne à ce temps celui passé à faire des tâches ménagère, il n’est pas rare de se sentir piégé dans une routine qui ne laisse que peu de place aux loisirs, aux amis et à la famille. Il semble donc que nous faisons face à une question de quantité de temps : Serions-nous plus heureux si nous avions plus de temps libre?

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La réponse: peut-être, mais ça dépend. Des chercheurs en sciences sociales de l’Université de Standford et du Winconsin-Madison aux Etats-Unis nous démontrent dans cet article que plus de temps libre n’équivaut pas forcément à une augmentation du bien-être. Pour le démontrer, Dr. Young et Dr. Lim ont étudié les émotions positives et négatives de près d’un demi million de personnes en fonction des jours de la semaine et ont comparé ces données entre deux groupes d’individus dont la quantité de temps libre est à priori très différente : les travailleurs et les chômeurs.

Première conclusion relativement triviale: malgré plus de temps libre les chômeurs sont en moyenne moins heureux, plus anxieux et inquiets que les travailleurs quel que soit le jour de la semaine. Mais vous me direz que ça n’a pas grand chose à voir avec le temps libre, puisque le chômage veut également dire que l’on a moins de revenu, moins de reconnaissance sociale, et la pression de retrouver rapidement un emploi. Et vous avez parfaitement raison. Le résultat intéressant de cette étude n’est pas sur cette différence brute, mais sur le fait que chômeurs et travailleurs montrent exactement la même variation d’humeur au cours de la semaine: Une humeur au plus bas le lundi qui ne cesse de s’éclaircir  pour atteindre un pic de bonne humeur le week-end.

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Il est assez aisé de comprendre pourquoi le travailleur est heureux de voir le samedi s’approcher : cela signifie la fin du travail et le début des activités sociales et de loisirs. Mais la question directement soulevée par ce résultat est la suivante: pourquoi le week-end est-il autant important pour les chômeurs que pour les travailleurs? En effet, le chômeur n’est pas contraint de la même façon que le travailleur, et peut en théorie profiter de son temps libre de la semaine. Et bien selon les chercheurs, la réponse tient au fait que le temps libre des jours de semaine n’a pas la même « qualité » que le temps libre du week-end. Et cette qualité dépend directement du nombre de personnes qui partagent ce temps libre.

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Scène typique d’un week-end estival à Paris. Au programme : sortie, amis, loisirs

Le plaisir du week-end vient précisément du fait qu’une grande majorité de la population le partage. Grâce à la synchronisation sociale des emplois du temps, le week-end voit une augmentation nette du temps passé avec les amis et/ou la famille, que ce soit pour les chômeurs ou les travailleurs. Par ailleurs, au delà des relation amicales et familiales, il est également à noter que les activités sociales comme le shopping, boire un café en terrasse, manger au restaurant, se balader en forêt ou à la mer etc, se déploient massivement le week-end. Les chercheurs émettent également l’hypothèse qu’au delà de l’augmentation du nombre d’interactions sociales, c’est également la qualité des interactions qui se voit augmentée le week-end, en raison de la chute du stres et du mieux-être expérimenté à l’échelle individuelle. Par ailleurs, le week-end, ni les travailleurs, ni les chômeurs ne sont soumis à la pression sociale de devoir « produire » ou « trouver un emploi ». C’est en quelque sorte le moment de la semaine où « le titre » social s’efface quelque peu.

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En bref, il semblerait que pour qu’une augmentation du temps libre augmente le bien-être, il faut que ce temps libre soit partagé. Cette étude permet de réfléchir avec d’avantage d’éléments à  l’organisation du travail à l’échelle de la société: doit-on travailler le dimanche? Le week-end doit-il disparaître au profit de plus de plasticité individuelle? Ou au contraire, ne faut-il pas travailler à synchroniser (dans la mesure du bon sens) les heures de travail afin de garantir un espace de bien-être social?

En conclusion, je propose donc, solennellement, une augmentation de la durée du week-end à trois jours pour tous. Votez pour moi.

Aller, sur ce, bon weekend, et à la semaine prochaine !

Lydie

Sources:

Article du New York Times écrit par Dr. Young 

Article scientifique en open access dans le journal Sociological Science

Malin comme un singe, une pieuvre, un oiseau, une orchidée,…

Depuis que l’Homme sait qu’il sait, il n’a de cesse de se demander comment il en est arrivé là… Est-il l’espèce la plus intelligente sur Terre ? Aïe ! La réponse n’est finalement pas si simple ! En effet, beaucoup d’études sur les animaux mais également sur les plantes obligent le monde scientifique à repenser le concept même d’intelligence. Mais alors, c’est quoi être intelligent ?

La définition d’un concept abstrait : l’intelligence 

Pour répondre à cette question délicate, on va commencé par la bonne vieille méthode : le dictionnaire (enfin Wikipédia…profitons-en avant la censure) ! Selon ce qu’on y trouve, l’intelligence vient du latin intelligentare qui signifie  faculté de comprendre. Dérivé du latin intellegere signifiant comprendre, et dont le préfixe inter pour entre, et le radical legere, qui, comme chacun sait, signifie choisir/cueillir – pouvant être également décliné en ligare voulant dire lier – on peut alors ainsi aisément suggérer que le mot « intelligence » signifie l’aptitude à relier des éléments jusqu’alors séparés.

Ensuite, il faut noter la distinction qui existe entre « l’intelligence », qui est un concept abstrait, et le « comportement intelligent », qui est un phénomène observable et mesurable. Focalisons nous, en premier lieu, sur le concept d’intelligence :

L’intelligence n’est pas une propriété biologique comme la taille du cerveau, mais une abstraction fondée sur des jugements de valeur au sujet du comportement d’un organisme.

Abstraction, jugement de valeur… tatata… pas franchement scientifique tout ça…Et quand en plus, on sait que le concept d’intelligence est repris dans de nombreuses cultures selon leurs propres valeurs, ça complique encore les choses…

La domination actuelle, dans la culture mondiale, de l’organisation occidentale de la connaissance rend très difficile l’élaboration d’une définition qui ne soit pas autogène, alors même que, selon la culture occidentale, définir l’intelligence est compris comme un paradoxe : l’intelligence de l’homme est a priori utilisée pour se définir elle-même.

Bon, c’est le serpent qui se mord la queue mais en s’acharnant un peu on peut définir l’intelligence comme suit :

L’ensemble des facultés mentales permettant de comprendre les choses et les faits, de découvrir les relations entre eux et d’aboutir à la connaissance conceptuelle et rationnelle (par opposition à la sensation et à l’intuition). Elle se perçoit dans l’aptitude à comprendre et à s’adapter facilement à des situations nouvelles. L’intelligence peut ainsi être conçue comme la faculté d’adaptation.

Si on se concentre sur la dernière phrase, vous conviendrez sans doute avec moi que cette faculté n’est pas uniquement attribuable à l’Homme. Alors pourquoi autant de mystères et de débats autour de l’intelligence animale ? Délire narcissique ?

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En fait, en ce qui concerne les autres espèces, c’est finalement l’Homme, qui, par une série de tests, va déterminer en fonction des résultats leur degré d’intelligence. 
Si l’observateur estime qu’une espèce possède une quantité suffisante des caractéristiques comportementales qui caractérisent selon lui l’intelligence, il classera cette espèce comme plutôt intelligente.
Là, on est d’accord, ça laisse la place à l’interprétation. Et c’est en ça que définir l’intelligence des autres espèces  est problématique. Car finalement on analyse, voire on mesure un comportement. Et nous l’avons dit plus haut, on ne peut pas faire d’analogies entre « l’intelligence » et « le comportement intelligent ». Alors comment fait-on en réalité ?
L’étude de l’intelligence peut se faire selon différentes voies de recherche, chacune présentant des limites bien particulières. Parmi ces voies on peut compter l’utilisation d’outils, la mémoire et le langage.
1- L’utilisation d’outils
Le biologiste Rémy Chauvin s’est par exemple intéressé à l’utilisation d’outils développés par les animaux en fonction de situations particulières. Par exemple : des nids de feuilles cousues par certaines fauvettes, la construction de barrages par les castors et les outils proprement dits utilisés par les primates pour la pêche aux fourmis et termites ou pour casser des noix. Ces différents exemples nous démontrent qu’il ne s’agit pas d’instincts aveugles, mais de constructions pensées répondant à un but. Pour illustrer cela, voilà une vidéo plutôt étonnante montrant un corvidé en pleine action:


Un corvidé utilise un fil de fer pour attraper sa nourriture. 

2- La mémoire

En ce qui concerne les recherches sur la mémoire, on constate alors – bien loin du mythe dit du « poisson rouge » – que celle des animaux est très développée.

Les animaux vivent et se développent par un processus d’apprentissage et de traitement de l’information permettant de résoudre un problème posé par l’environnement. C’est ce qu’on appelle la cognition.

La cognition permet à un animal de faire face à des situations nouvelles mais également à des situations qui se sont déjà produites. Selon le processus de stimulus-réponse, l’animal pourra faire appel à des réflexes anciens ( article à venir sur la question).

3- Le langage

“Il ne lui manque que la parole !”

Souvent on se surprend à le dire face à un animal ayant un comportement franchement intriguant. Et en y repensant, je crois qu’on a tous plus ou moins rêvé de connaitre les pensées philosophiques de Rex le chien, ou encore de raconter ses dures journées à une fourmi compatissante et même, pourquoi pas, de pouvoir faire des blagues en se tapant dans le dos avec une otarie comme avec un pote d’armée ! Vous pensez que je divague ? Peut être mais je ne suis pourtant pas la seule que ça travaille, la preuve.


Extrait du film « Up! » – Rencontre avec Doug. Phrase préférée « Mais c’est un chien qui paaarle! »

Mais  quand il est question d’animaux, faudrait-il parler de langage ou plutôt de communication ? Des expériences avec des singes, des oiseaux et des dauphins, dont il est question plus loin, ont démontré chez eux une capacité à apprendre un langage ou quelque chose qui ressemble au langage. Mais des controverses subsistent quant à ce que ces animaux ont vraiment appris.

Le projet NIM ou la dictature du langage articulé comme preuve de l’intelligence

Dans les années 70 le fantasme de la science était de décrypter les secrets de notre langage, la discipline phare étant la sémiologie ( la science des signes, comme par exemple les symptômes en médecine), au même titre qu’aujourd’hui, tous nos espoirs reposent sur les neurosciences. C’est dans ce but que le professeur Herbert Terrace, psychologue à la Columbia University de New York, lance le projet Nim du nom du chimpanzé étudié. Bien sûr, nous le savons, les chimpanzés ne peuvent pas parler car, en comparaison à l’humain, il ne possède pas l’appareil phonatoire adéquat. La position du larynx trop haute chez les singes, pourrait expliquer leur inaptitude à articuler les sons. Ensuite viens le problème de développement cérébral, moins important chez le singe, mais je le répète, l’intelligence ne se mesure pas à la taille du cerveau***. Nous le savons tous très bien, les femmes sont plus intelligentes que les hommes malgré un cerveau légèrement plus petit…

Pour en revenir à Nim, l’idée est donc d’élever un bébé chimpanzé comme un être humain et de lui apprendre le langage des signes afin d’expérimenter ses capacités à acquérir le langage.

Outre l’histoire effroyable qui s’en est suivie et le formidable manque d’éthique des scientifiques de l’époque (à lire l’article de Pour la science), les résultats ne furent pas assez concluants pour le Pr Terrace qui, quatre ans plus tard, abandonna le projet et donc, accessoirement, abandonna Nim. Ce dernier fera, pour le remercier de sa participation, un long séjour dans un laboratoire d’expérimentation de vaccins……(entres autres……. !!!!)

Il connaît de nombreux mots et se révèle capable de les agencer, mais uniquement pour demander quelque chose. Nim n’utilise pas son vocabulaire pour s’extasier devant la beauté du monde, la gentillesse de sa baby-sitter ou raconter ses rêves. Il ne dit pas « Moi, Tarzan, Toi, Jane », et encore moins « Je t’aime », mais « Jouer », « Moi, Nim » et « Câlin ».

Doit-on en conclure que cet animal est dénué d’intelligence et donc d’intérêt ? Nim méritait-il qu’on l’arrache à son monde pour satisfaire la curiosité des Hommes comme un vulgaire « outil » ? Faut-il s’extasier « verbalement » sur le vert d’une feuille pour être digne d’être considéré comme un être vivant respectable ?

Car c’est là, à mon sens, où se situe le problème. On respecte et protège beaucoup plus les animaux – les dauphins par exemple – qu’on estime intelligent que le pauvre vers de terre qui se trémousse lamentablement dans une flaque et qu’on finira par couper en deux pour « voir s’il est encore vivant » et parce que « c’est fun ! ». Une plus grande ouverture d’esprit est nécessaire à l’Homme pour qu’il envisage enfin que le monde ne se limite pas à ce qu’il est capable de percevoir ou de faire.

*** Il faut préciser cependant qu’il existe une relation de proportionnalité évidente entre la taille du cerveau et la taille du corps : plus l’animal sera grand plus son cerveau le sera également. La différence de taille du cerveau est donc difficilement comparable entre les espèces en l’état. On parle notamment d’une moyenne de taille au sein d’une espèce. Si on compare entres différentes espèces cette moyenne en prenant en compte la taille du corps , on se rend alors compte que les primates sortent largement du lot (plus gros cerveau) et parmi les primates c’est l’homo sapiens qui remporte le prix de la « grosse tête ».

Histoires de bestioles pas si bêtes !

Koko, la femelle gorille

Les gorilles et les macaques se rapprochent le plus du niveau général de l’être humain. Koko, une femelle gorille, en est la preuve vivante ! Koko parle anglais et comprend près de 2000 mots du langage courant ainsi que des centaines d’expressions du langage des signes. Elle sait donc exprimer sa jalousie, sa joie, sa tristesse et encore bien d’autres sentiments. Symbole de la consécration, Koko est devenue la star d’un film sur sa vie, « Koko, le gorille qui parle », réalisé par Barbet Schroeder en 1978. Plus récemment, Koko a même tenu un chat sur AOL avec des internautes.  L’année dernière, Koko a refait parler d’elle à cause d’une rage de dents, parvenant à communiquer précisément son niveau de douleur sur une échelle graduée de 1 à 10. A l’aide de tableaux où des pictogrammes représentent différents états d’humeur, Koko peut suivre une conversation et même argumenter.

Pour estimer cette intelligence hors du commun, Koko a effectué un test de QI où elle a obtenu le score surprenant de 90 points. C’est à dire tout près de ce que l’on considère comme le score moyen de référence pour les êtres humains (100 points). Francine Patterson a ainsi pu démontrer que les gorilles portent en eux la quasi-totalité des aspects du comportement humain à une échelle simplement moins développée. Quand on sait que le patrimoine génétique de l’homme est commun à plus de 95% avec celui du singe, on comprend mieux les prouesses réalisées par Koko.

Dans certains pays, on se demande si la place des gorilles est vraiment au zoo. Ainsi, en Nouvelle-Zélande, une loi votée il y a peu de temps les protège contre la détention et les expériences scientifiques (Pour lire l’article en entier).

Phoenix, mademoiselle dauphin

Bien qu’ils soient moins proche que les gorilles ou les chimpanzés, les dauphins disposent par exemple d’un sens de l’orientation bien plus développé que le notre. Je vais vous parler de Phoenix le dauphin.  Cette demoiselle (encore ! ^^) qui vit à Hawaï fait l’objet, depuis plusieurs années, des travaux menés par le chercheur américain Louis Herman, spécialiste des cétacés.

Le cortex des dauphins, c’est à dire la zone dédiée au raisonnement dans le cerveau, occupe un volume supérieur d’environ 10% à celui des humains. Elle peut développer d’authentiques capacités cognitives. Louis Herman a enseigné à sa protégée un langage sonore associant des sons à des gestes. Elle a facilement assimilé un vocabulaire composé de verbes et de mots, parvenant très vite à effectuer des associations d’idées : « toucher le panier », « chercher le ballon »… Et des phrases contenant jusqu’à cinq locutions, même présentées dans le désordre, demeurent parfaitement compréhensibles pour Phoenix.

Les dauphins peuvent effectuer des opérations mentales complexes. L’écholocation en est la parfaite illustration. C’est une méthode de perception sensorielle qui leur permet de se situer dans leur environnement, de détecter les obstacles et de communiquer à très grande distance. Le cétacé assure ce type de calcul mental à une vitesse inouïe et qui défie largement les capacités humaines en la matière. En 1967, l’acousticien Wayne Batteau a mis au point une technique basée sur des ultra-sons pour communiquer avec des dauphins dressés. Le chercheur comprend alors que les cétacés disposent d’un langage transmis sur le mode syntaxique à l’image de celui de l’homme. A l’origine de l’étude, l’US Navy décide de classifier les résultats obtenus par Batteau. Autrement dit, l’intelligence des dauphins devient « secret militaire » et ne peut donc être révélée au public (pour lire l’article en entier).

Rico, le toutou

Les chiens, quant à eux, bénéficient avant tout d’une formidable capacité à comprendre des symboles de communication. Médor, Rex et les autres ne sont sans doute pas prêts à discourir mais ils pourraient assimiler beaucoup mieux qu’on ne l’imagine le langage humain. C’est ce que tend à démontrer une étude récemment publiée dans la très sérieuse revue scientifique américaine « Science ». Rico, un border collie (une race de chiens de berger) est capable de faire la différence entre 200 mots prononcés par son maître. Il suffit de prononcer à l’attention du chien un vocable concernant n’importe quel objet pour qu’il aille le chercher immédiatement sans jamais se tromper.

C’est à l’institut Max-Planck pour l’anthropologie de l’évolution, à Leipzig, une référence mondiale en matière d’étude du comportement animal, que les chercheurs ont pu non seulement vérifier que Rico comprenait très bien ce qu’on lui disait mais qu’en plus, il retenait de façon instantanée les mots qu’il n’avait jamais entendu auparavant. Ainsi, si on lui demande d’aller chercher un objet inconnu dans une pièce remplie d’objets connus, il rapporte le bon objet ! Une preuve intéressante aux yeux des chercheurs de Leipzig pour avancer l’idée que Rico fait une déduction mentale qui lui permet de comprendre que le nouveau mot concerne fatalement l’objet inconnu.  On peut demander à Rico de placer certains objets dans une boîte puis lui ordonner de n’en retirer que quelques-uns et, là encore, Rico comprend très bien !

Contrairement au dauphin qui ne se base que sur le son produit, ce chien étonnant comprend un mot quel que soit le rythme ou la tonalité avec laquelle il est prononcé. Si l’intelligence verbale et l’intelligence logique sont des réalités chez les chiens, rien n’interdit de penser qu’ils possèdent une forme d’intelligence qui, sans être comparable à celle de l’homme, pourrait bien s’en rapprocher sérieusement (Pour lire l’article en entier).

Alex, le perroquet savant

Des études réalisées spécialement sur des perroquets et des corbeaux mettent en relief l’aptitude de ces volatiles à résoudre des problèmes complexes. Les corbeaux et les perroquets possèdent ce que les scientifiques appellent « le don de la vision en couleur ». Ils sont ainsi parfaitement capables de distinguer des teintes variées et les objets ou formes qui y correspondent alors que les chiens bénéficient avant tout d’une formidable capacité à comprendre des symboles de communication. Mais avec certains, cela va un peu plus loin… Jugez-en par vous même.

Alex, le perroquet savant

Cela bouleverse pas mal d’idées reçues, à l’image du cochon de Guinée qui grâce à ses sens ultra-développés, possède une oreille très fine lui permettant de distinguer des sons inaudibles pour l’homme. Il jouit en conséquence d’un vocabulaire sonore bien plus large que d’autres espèces. Quant aux écureuils, ils savent mémoriser dans leurs déplacements des cartes mentales extrêmement précises et détaillées basées sur des images géométriques.

De plus, certains animaux à l’organisation sociale particulière, dits animaux eusociaux, ont une intelligence individuelle limitée mais forment cependant des communautés sociales capables d’adaptation intelligente lorsqu’ils sont en groupe : on parle alors d’Intelligence collective, comme c’est le cas chez les insectes sociaux.

Ces animaux qui témoignent de capacités extraordinaires ont-ils une forme de pensée ? Au nom de l’anthropomorphisme, la morale humaine répugne à se comparer aux bêtes. Ce qui reste un moyen efficace de les placer systématiquement en dessous de l’homme. Cependant, le fait d’utiliser un langage, de se repérer dans l’environnement spatial et d’avoir la conscience de son existence en cherchant à la préserver pour survivre, voilà des caractéristiques qui sont le signe d’une forme d’intelligence.

Et les plantes ?

De récentes études scientifiques montrent que les végétaux sont capables d’éprouver ses sensations et qu’ils ont une mémoire. Ils communiquent entre eux par des signaux chimiques et peuvent se défendre contre des herbivores qui dévorent leurs feuilles. Ils réagissent aussi aux caresses et à la musique, avec en particulier une plante qui est capable de « danser ».


L’esprit des plantes – documentaire de 52 minutes – à voir c’est passionnant

Ainsi, dans un débat très détendu entre Boris Cyrulnik, très animale, et Jean-Marie Pelt, plutôt végétale, se pose plutôt la question de l’intelligence de la nature qui s’oppose au concept limité d’intelligence animale (voir le débat dans les références).

Pour finir…

L’un des aspects de la recherche actuelle sur l’intelligence animale repose donc sur la définition même du concept d’intelligence. Aussi, il est nécessaire de se pencher sur la question d’appréciation des résultats d’expérimentations et des conceptions usuelles de l’intelligence humaine.

Mais tout ça donne à penser, n’est-il pas ? Moi je dis, quand l’homme sera capable d’utiliser uniquement l’énergie solaire et le dioxyde de carbone pour survivre, comme le font les plantes, alors là ! On pourra dire qu’il est au top. D’ici là, l’humilité est mère des vertus

Petite vidéo rigolote pour se détendre

Je conclurais (enfin!!!) par cette citation extraite du livre, que j’adore, l’élégance du hérisson de Muriel Barbery, publié en 2006 :

« Lorsque ça le gratte quelques part, l’homme se gratte et a conscience d’être en train de se gratter. Lui demande-t-on : que fais-tu ? Qu’il répond : je me gratte […] Pousse-t-on plus loin l’investigation (es-tu conscient que tu es conscient du fait que tu te gratte?) qu’il répond encore oui, et de même à tous les « es-tu conscient » qui se puissent rajouter. L’homme est-il pour autant moins démangé de savoir qu’il se gratte et qu’il en est conscient ? Que nenni. Savoir que ça gratte et être conscient du fait qu’on est conscient de le savoir ne change strictement rien au fait que ça gratte ».

Ambre

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RÉFÉRENCES

Bonne résolution 2012 !

Tout d’abord, l’équipe des chouettes savantes vous souhaite une excellente année 2012 et tout ce qui va avec.

Pour commencer la nouvelle année en beauté, nous avons décidé d’agir et de compenser les émissions carbones dues à notre blog. Comment? Et bien en plantant un arbre ! « Un petit geste écolo » proposé par Bonial, que nous avons accueilli avec enthousiasme.

Après le succès de leur lutte contre les pubs inutiles qui foisonnent dans nos boites aux lettres, une nouvelle opération nommée « Blog zéro Carbone » a pris corps. En échange d’un petit logo sur le site, un arbre est planté afin de compenser les émissions carbonées dues à la maintenance et l’existence même du blog sur la toile. En effet, un blog avec 15 000 visionnage par mois (nous croisons les doigts pour arriver à un tel succès !) consomme environ 3,6kg de carbone par an. Un arbre lui peut en consommer quelques 5kg par an ! L’équation est simple*.

Au delà de la compensation carbone pure, qui fera surement l’objet de discussions, n’oublions pas que l’arbre constitue en lui même un écosystème entier, abritant moultes espèces, ce qui fera le bonheur de vers de terre et autres petites bêbêtes.

A l’intention de tous ceux qui pourraient être intéressés, je vous conseille d’aller faire une petit tour sur le site :

http://www.bonial.fr/environnement/blog-neutre-en-carbone/

En souhaitant une belle et longue vie au petit arbre qui naîtra grâce à ce blog !

L’équipe des chouettes savantes.

*En vérité, l’équation n’est pas du tout aussi simple, et je vous laisse consulter les détails sur cette page.

Colloque GAIE 2011

Bonjour à  tous !

Le 13 et 14 décembre 2011, le Groupe d’application de l’ingénierie des écosystèmes (Gaié) organise son sixième colloque : « Ingénierie des écosystèmes – aspects fondamentaux et appliqués » à la Cité internationale universitaire de Paris. A l’instar des colloques précédents, l’édition 2011 se veut être un lieu d’échanges entre acteurs professionnels de l’ingénierie écologique (chercheurs, gestionnaires, chefs d’entreprise, etc.), acteurs de l’eau et étudiants des masters franciliens d’écologie et de l’environnement.

Gaié est un réseau multidisciplinaire de spécialistes des sciences de l’environnement, sciences sociales, ingénierie et gestion des milieux. Leurs objectifs sont doubles. Le premier est de faire progresser la connaissance et la formation aux pratiques durables de gestion de l’environnement. Le deuxième est de favoriser leur mise en application dans les écosystèmes de toutes sortes : des terres et eaux sauvages à l’agriculture, la sylviculture, l’industrie et les villes.

Au programme du colloque 2011 et pour vous inscrire.

L’équipe du journal des chouettes savantes vous y attend !

Il était une fois un monde sans délinquants

Les errements d’un conte de fée où la science pourrait détecter de méchants délinquants

Qui n’a jamais rêvé d’un monde où l’on pourrait laisser son carrosse stationné sans craindre qu’il soit vandalisé par une belle-mère morte de jalousie, où l’on pourrait dormir cent ans dans son beau château sans être réveillé par un voisin dragon trop bruyant, où enfin l’on pourrait chanter ce rêve bleu sur son tapis volant sans subir les klaxons et queues de poisson des autres conducteurs ? Autant vous le dire tout de suite, ce monde féérique n’existe pas. Et pourquoi ? La faute en incombe en tout et pour tout à ces méchants qui viennent toujours à un moment ou un autre gâter une belle histoire, sonner les douze coups de minuit, mettre le feu aux donjons ou s’emparer d’une belle lampe magique. Mais l’avantage dans le monde de Disney est qu’un méchant compte bien peu face à un héros toujours plus beau et courageux. Malheureusement, dans notre réalité à nous, les méchants pullulent et les héros se raréfient. En un mot, la délinquance (ensemble des infractions commises en un lieu et une époque donnée) gangrène nos désirs d’enfants.

Pourtant, certaines leçons peuvent être tirées de ces histoires lues, vues et revues même une fois la date limite de l’âge adulte belle et bien dépassée. En effet, pour aider nos jadis jeunes et naïfs esprits à reconnaître et à se méfier des méchants personnages, Disney a eu l’habitude (heureusement seulement de rares fois oubliée) de dresser un portrait type de ces vilains.

En témoignent la délicieuse Madame Mime (Merlin l’enchanteur) ou encore la terrifiante Ursula (Ariel la petite sirène)

Mais alors pourquoi n’en serait-il pas de même chez nous ? N’existerait-il pas quelques caractéristiques typiques du délinquant pour nous venir en aide dans ce monde de tous les dangers ? Et bien, un homme fort célèbre y a déjà pensé ! J’ai l’honneur de vous présenter (ou de vous représenter), Cesare Lombroso (1835-1909) . Ce professeur italien de médecine légale, fondateur de l’école de criminologie, est en effet l’auteur d’un ouvrage très connu qui pourrait renaître de ses cendres, à en croire les discours récurrents d’une certaine partie de la classe politique. Quel exemple significatif que la remise à l’ordre du jour du processus de dépistage de la délinquance dès la maternelle préconisé par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) en 2005 et vivement dénoncé par le collectif « Pas de 0 de conduite pour les enfants de 3 ans ! » qui semble refaire surface.

A l’époque, Lombroso, à travers L’homme criminel (1876), dans sa première rédaction, défend la thèse selon laquelle la délinquance serait nettement plus fréquente chez certaines personnes porteuses de caractéristiques physiques, ce qui serait en faveur du caractère inné de certains comportements. Médecin militaire, il va profiter de son activité professionnelle pour se livrer à une étude anthropométrique (mesure des particularités dimensionnelles d’un homme) des soldats auteurs d’infractions. Examinant ainsi des milliers de crânes des détenus de la prison où il travaille, il en conclue que la criminalité est un atavisme, c’est-à-dire une marque de régression évolutive. Outre le crâne, d’autres critères anatomiques sont utilisés, tels que, par exemple, la longueur « excessive » des bras (qui rapprocherait les criminels des singes), une dentition anormale, le fait d’avoir des doigts de pied ou de main en trop ou encore le recours aux tatouages. De là, il en déduit que les délinquants peuvent être distingués : le violeur a les oreilles longues, les yeux obliques et rapprochés, le crâne aplati et le menton long ; le meurtrier a le crâne étroit, les pommettes saillantes. En général, les criminels ont de petits crânes, de grandes mâchoires, les arcades sourcilières prononcées, et sont très poilus. De telles conclusions lui font dire que 1/3 de la population criminelle le serait de manière héréditaire.

Spécimens de criminels extraits de L’homme criminel de Lombroso

Une large mâchoire, une pilosité surabondante… Non, nul ne saurait accorder quelque foi à de tels critères à notre époque moderne…

Le très vénal Clayton (Tarzan) et le terriblement précieux Gaston (La belle et la bête) ne diront pas le contraire…

D’ailleurs, Lombroso lui-même devait plus tard préciser ses écrits et réduire l’importance originellement donnée à ces caractéristiques physiques au profit des thèses sociologiques. L’opposition à sa thèse vient en effet essentiellement de l’anthropologue français Alexandre Lacassagne, qui défend l’idée de l’influence prépondérante du milieu. Un autre anthropologue français, Paul Topinard (1830 – 1911), évoque à cette occasion le manque de rigueur de Lombroso dans ses mesures des crânes. Plus sévère encore, l’historien anglais Christopher Duggan devait dénoncer le caractère raciste de la pensée de Lombroso selon lequel «la violence était un bon indicateur de la barbarie, et à son tour la barbarie était un bon indicateur de dégénérescence de la race » .

De fait aujourd’hui, les caractéristiques physiques ont laissé la place aux caractéristiques comportementales :

« Le trouble des conduites s’exprime chez l’enfant et l’adolescent par une palette de comportements très divers qui vont des crises de colère et de désobéissance répétées de l’enfant difficile aux agressions graves comme le viol, les coups et blessures et le vol du délinquant. Sa caractéristique majeure est une atteinte aux droits d’autrui et aux normes sociales», rapport de l’Inserm sur les troubles du comportement chez l’enfant et l’adolescent publié en 2005.

Prévenons la délinquance dès le plus jeune âge car un délinquant sommeille en eux : à l’image de Stitch (Lilo et Stitch)

Réelle différence dans la pluralité des facteurs impliqués dans le processus criminel (sociologiques, psychologiques…), simple nuance de vocabulaire ? Toujours est-il que ces deux stratégies d’identification de caractéristiques physiques ou comportementales relèvent d’une seule et unique philosophie : déceler le plus en amont possible les prémices de la délinquance.

Dans son rapport consacré au « Troubles des conduites des enfants et adolescents », l’Inserm propose « d’identifier les facteurs de risque familiaux ou environnementaux très précocement, voire dès la grossesse ». Les dits troubles, qu’il conviendrait de dépister, de façon systématique, dès l’âge de 36 mois, vont des crises de colère et de désobéissance, aux agressions graves, vol et viol, et sont définis comme TOP (« trouble oppositionnel avec provocation »), et « atteinte aux droits d’autrui et aux normes sociales ». Certains auraient jadis été qualifiés par un « élève indiscipliné » ou « rebelle ». Or, à partir de ces troubles comportementaux, de ces « comportements antisociaux » sur lesquels l’ensemble des professionnels concernés s’accordent à devoir identifier afin de venir en aide à l’enfant en priorité, le gouvernement en déduit les signes avant-coureurs de la délinquance . « On se croirait revenus au 19ème siècle » dit Laurent Muchielli, sociologue consulté mais dont la contribution a été récusée.

Diagnostic d’un dessin d’enfant : un signe précurseur d’un Monstre et compagnie à venir ?

La franche opposition à l’amalgame réalisé entre un enfant en difficulté et un délinquant en sursis et à son incorporation dans la loi de 2007 relative à la prévention de la délinquance devait alors faire reculer le gouvernement. Néanmoins, l’idée ne devait pas mourir mais simplement sommeiller en attendant qu’un renouvèlement du discours sécuritaire favorise son acceptation par des Français toujours plus inquiets face à la montée en puissance du délinquant. D’où un nouveau rapport et une nouvelle salve de critiques …

Évidemment, appliquer un processus de reconnaissance prédéterminé des méchants donc des délinquants serait tentant car rassurant. Pouvoir dire que tel individu aux traits particulièrement prononcés ou que tel enfant trop rebelle ou indiscipliné est ou sera l’auteur d’une ou de plusieurs infractions ne ferait que reproduire notre traditionnel penchant à faire des amalgames, jadis entre un individu tatoué ou à la large mâchoire et aux arcades prononcées, aujourd’hui entre un enfant indiscipliné et un délinquant. Or, quand bien même des spécialistes (psychologues, enseignants, magistrats…) seraient pourvus d’une qualité de prescience, qui de surcroît se devrait d’être infaillible dans une démocratie, dans la détermination des individus dangereux, quel traitement serait adapté à l’égard de ces personnes ? Est-il possible de désamorcer leur destin criminel à travers une quelconque forme de resocialisation (exemple : la commission des lois du Sénat a rejeté, le 19 octobre 2011, la proposition de loi visant à instaurer un service citoyen, entendre service militaire, pour les mineurs délinquants ) ou d’enfermement (possibilité depuis la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté d’enfermer à vie, par renouvèlements successifs, les condamnés ayant purgé leur peine de prison mais jugés dangereux) ?

Un simple article de quelques lignes ne saurait ambitionner de répondre à la problématique du bien-fondé ou non du basculement de la politique pénale française du critère de la culpabilité (un individu a bel et bien commis une infraction, est jugé puis subi une peine) à celui de la dangerosité (un individu est susceptible de commettre une infraction, il subira sans être jugé une mesure de sûreté – qui s’apparente à une peine mais ne se veut pas, en théorie, punitive – afin de prévenir la société d’un éventuel dommage). Néanmoins, l’évocation des écrits de Lombroso et du projet toujours en suspens du gouvernement consistant à déceler les délinquants précoces rapprochés des œuvres de Disney à dessein d’alléger un sujet lourd de conséquences et de contestations devrait ouvrir une fenêtre de réflexion quant à la possibilité d’éradiquer ou non la délinquance.

Certes, le délinquant, lorsqu’il commet un acte interdit par la loi, rompt le pacte social et se met en marge de la société car contre elle. Cependant, il serait utopique de croire et dangereux de vouloir faire croire qu’une politique pénale idéale saurait prémunir à jamais la société de ce mal que constitue la délinquance. Tout comme elle doit savoir s’adapter aux évolutions sous peine de se figer et de se briser, la société doit savoir gérer sa part de délinquants sous peine de stigmatiser un Autre qui pourrait bien demain, avec l’élaboration continue de nouveaux critères de détermination des prétendus délinquants, s’avérer être un Moi. Or, si tel était le cas, c’est le rêve pas si enfantin du « ils vécurent heureux jusqu’à la fin des temps » qui s’évanouirait…

C. W.

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Références :