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L’insoupçonnable intelligence des plantes – Partie 1

Mouvements, mémoire, langage, ruses, esprit de famille…vous pensez que je parle d’animaux ? Que nenni ! La recherche ne cesse de faire d’incroyables découvertes sur le monde végétal.  Rendons à César ce qui lui appartient, les végétaux sont bien plus sophistiqués que ce que l’on a longtemps pensé. Après avoir lu ceci, vous ne verrez plus jamais votre plante verte comme avant…

Il y a maintenant un an, les chouettes savantes discutaient de l’intelligence animal ouvrant plus largement le débat sur la possible intelligence des plantes.   Inspirées d’un dossier passionnant dédié à l’intelligence des plantes dans le célèbre magazine scientifique français Science & Vie (numéro de mars 2013), on a décidé d’élargir un peu les investigations et de lever le voile sur ces incroyables organismes finalement mal connus et sous-estimés. Car oui, comme le démontre cette conférence passionnante de Stefano Mancuso the roots of plant intelligence (TED Talks, juillet 2010), on a manifestement une idée très fausse de ce que sont les plantes. Au temps d’Aristote, nous les classions entre les pierres et les animaux, êtres tout juste capables de vivre (figure 1), automates esclaves du milieu où ils avaient, par pur hasard, poussé. En bref, rien de bien excitant comparé au dynamisme et à l’ingéniosité manifeste des animaux.

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Figure 1. Gravure de l’ordre naturel à la Renaissance (« Vivit », du latin « il est »; « est », « il est », Print screen de la vidéo TED de Stefano Mancuso)

L’idée que les plantes ne sont pas, contrairement aux animaux, des créatures vivantes  accompagne l’humanité depuis les premiers écrits. Par exemple dans le récit biblique de l’arche de Noé où il n’est fait mention nulle part que les plantes faisaient parties du voyage (Stefano Mancuso, Ted Talks, 2011). C’est seulement en 1880 que notre regard concernant les plantes a commencé à évoluer avec ce grand monsieur, Charles Darwin, qui révolutionnait le monde végétal avec son magnifique livre La puissance du mouvement des plantes.

Aujourd’hui on le sait, les plantes ne sont pas juste capables de vivre. Elles peuvent aussi ressentir et sont parfois même bien plus sophistiquées dans le domaine que la plupart des animaux. En effet, chaque petite racine d’une plante est capable de détecter et de suivre de manière simultanée et continue plus de 15 produits chimiques différents… On dit souvent que la plus grande créature vivante sur Terre est la baleine bleue mais c’est en fait une vraie peluche en comparaison du magnifique Séquoiadendron Giganteum, ou séquoia géant. Ce dernier peut mesurer plus de 50 à 85 m (contre 30 pour la baleine bleue) avec une masse pouvant atteindre les 2 000 tonnes (contre 170 pour la baleine bleue). Le séquoia géant se caractérise également par sa longévité puisqu’il peut vivre plus de 3 000 ans (80 ans pour la baleine). Cassé le cétacé !

Mais une plantes, c’est quoi en fait ?

  • Le règne des Eucaryotes

Les plantes (Plantae, Haeckel 1866) sont des organismes vivants multicellulaires. C’est à dire que, comme vous ou une chouette par exemple, elles sont constituées de plusieurs cellules. Comme vous ou une chouette encore, ces organismes appartiennent au grand règne des Eucaryotes, venant du grec eu, pour bien et karuon, noyau. Comme l’étymologie l’indique, les cellules composant les Eucaryotes possèdent donc un noyau, une double membrane, qui isole et protège l’ADN du reste de la cellule. Ce qui, en cela, les différencient des procaryotes (les bactéries et archéobactéries). Les deux plus grands exemples de cellules Eucaryotes sont les cellules animales et végétales (figure 2).

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Figure 2. Cellule d’un animal à gauche, cellule d’un végétal à droite (Cliquez pour voir la source)

Etant toutes deux des cellules Eucaryotes elles partagent certains points communs : un noyau contenant l’ADN cellulaire et une membrane cellulaire délimitant le cytoplasme dans lequel baigne des organites tels que les mitochondries, le réticulum endoplasmique ou encore l’appareil de Golgi… Les différences entre cellule animale et végétale demeurent dans la taille, une cellule végétale est en moyenne bien plus grosse, mais également dans sa structure et son organisation puisqu’elle possède, en plus, des plastes (par exemple les chloroplastes), une vacuole remplie d’eau et une paroi qui juxtapose la membrane cellulaire. On vous conseille cette petite animation en ligne qui illustre ces propos.

En résumé, plantes et animaux font donc partie du même grand domaine avec les champignons (ou eumycètes) et les protistes (figure 3). Une majorité de chercheurs considère que les fossiles connus comme étant les plus anciens Eucaryotes seraient agés de plus de 2,1 milliards d’années environs, tandis que d’autres études datent l’apparition de ce domaine à plus de 2,7 milliards d’années (Campbell et Reece, Biologie, édition 2007). Histoire de  situer quoi.

Figure 3. Les trois domaines du vivant (cliquez pour voir la source)

Les Eucaryotes correspondent aux organismes multicellulaires (animaux, plantes, champignons) ainsi qu’à quelques eucaryotes unicellulaires. Les eucaryotes monocellulaires correspondent aux protistes qui sont de deux types : animal les protozoaires et végétal les protophytes.

  • L’apparition de la cellule végétale et la théorie endosymbiotique 

Si on remonte l’histoire un peu plus loin, il y a 1,6 milliards d’année plus précisément, une cellule eucaryote « concluait un accord » avec une cyanobactérie : la photosynthèse de la seconde contre l’hébergement dans la quiétude de la première. C’est ce qu’on appelle en biologie une endosymbiose. Si on découpe ce mot compliqué, le mot symbiose désigne une association réciproquement bénéfique de deux êtres vivants. On l’appelle endosymbiose lorsque l’un des deux êtres vivants est contenu dans l’autre. La théorie endosymbiotique, ou hypothèse de l’endosymbiose, a profondément marqué l’évolution de la cellule Eucaryote, puisqu’elle expliquerait la présence des mitochondries et des plastes en leur sein (Figure 4). 

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Figure 4. Evolution de la cellule Eucaryote et endosymbioses primaires successives 

On observe sur ce schéma l’absorption d’une bactérie par une cellule eucaryote primitive et la formation d’une cellule eucaryote hétérotrophe. Les bactéries absorbées deviennent des mitochondries et réalisent la respiration. La réalisation d’une cellule eucaryote autotrophe se fait ensuite par l’absorption d’une bactérie photosynthétique par une cellule eucaryote hétérotrophe possédant déjà des mitochondries. Cette bactérie devient un plaste, permettant la photosynthèse, ses membranes internes ont une origine bactérienne. La membrane externe de l’enveloppe a pour origine la membrane plasmique de la cellule elle-même.

Mitochondries et plastes sont définis comme étant des organites semi-autonomes de la cellule eucaryote, c’est-à-dire disposant d’un patrimoine génétique et capables de se diviser indépendamment de la cellule.  L’ADN de ces organites est radicalement différent de l’ADN du noyau cellulaire. Ils sont entourés de deux membranes au minimum, et la membrane interne montre des différences de composition importantes avec les autres membranes de la cellule. Elle est en fait plus proche d’une membrane de type bactérienne. Ces caractéristiques furent les premiers éléments à l’appui de la théorie endosymbiotique formulée par Lynn Margulis dans les années 1960. Concernant l’endosymbiose des futurs chloroplastes des cellules végétales, on pense que ce phénomène est apparu à un moment où, à cause du manque de nourriture et de l’augmentation de lumière du soleil, il était plus avantageux pour les organismes prédateurs de cyanobactéries de profiter de leur capacité à utiliser la lumière en faisant une symbiose interne avec ces organismes photosynthétiques.

  • La lignée verte

L’endosymbiose est donc à l’origine des plantes et des algues chlorophylliennes actuelles, ce que l’on appelle en phylogénie la lignée verte (figure 5).

Figure 5. Phylogénie de la lignée verte

Ce nom de lignée verte fait référence à la chlorophylle, qui est un pigment photosynthétique conférant leur couleur verte aux organismes qui l’utilisent. Les pigments photosynthétiques ou pigments assimilateurs, sont des composés chimiques permettant la transformation de l’énergie lumineuse en énergie chimique à l’origine du processus de photosynthèse chez les plantes. Certains peuvent être vert, comme la chlorophylle, mais aussi rouge, jaune ou orange et sont contenus dans les plastes. Suite à l’endosymbiose primaire, les plastes ont évolué selon deux axes : chez les chlorophytes, ils contiennent de la chlorophylle a et b et des thylakoides empilés selon le schéma classique des livres, on les appelle donc les chloroplastes. Par contre chez les rhodophytes et les glaucocystophytes, les plastes contiennent de la chlorophylle a et des phycobilisomes, granules qui contiennent les pigments qui capturent la lumière (phycobilines) et qui sont associés à l’appareil photosynthétique (figure 6).

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Figure 6. L’endosymbiose primaire à l’origine de la lignée verte, Curtis et al. (2012)

Pour revenir à nos plantes, bien que certaines espèces soient retournées à la vie aquatiques au cours de leur évolution (comme la baleine chez les  mammifères), la plupart des végétaux vivent dans des milieux terrestres. Nous pouvons donc employer le terme de végétaux terrestre pour désigner TOUS les végétaux et ceci afin de les distinguer des algues vertes qui appartiennent en fait à la famille des protistes sus-nommés. J’imagine que vous faisiez souvent la confusion lors de vos dîners mondains…

  • Le rôle des plantes au sein des écosystèmes

Si on se pose à l’échelle d’un écosystème, les plantes sont à la base de la chaîne alimentaire ce qui, bien loin de les diminuer, leur confèrent un rôle fondamental dans le fonctionnement global de la biosphère. On les appelle producteurs car ils sont capables de produire et donc de fabriquer via la photosynthèse leur propre matière organique (molécules ayant un squelette carboné) à partir de matière non organique (minéraux et métaux). Que ce soit sur terre ou dans l’eau, les producteurs sont à l’origine de toute chaîne alimentaire (Figure 7). Actuellement, il existerait entre 300000 et 315000 espèces de plantes connues.

Figure 7. Organisation fonctionnelle d’un écosystème (Source : SVT 2e Hatier 2010, p. 104)

Les différents êtres vivants : producteurs primaires, consommateurs primaires, secondaires, tertiaires, etc. et les décomposeurs représentent chacun un niveau trophique. Les décomposeurs (champignons, bactéries, animaux détritivores et saprophages) transforment la matière organique des organismes morts en en substances minérales (= minéralisation). 

  • Caractéristiques des végétaux

Ainsi les plantes partagent jusqu’à un certain point des caractéristiques communes avec les animaux (noyau, multicellularité,…) et l’étude de leur comportement au sein d’un écosystème semble indiquer qu’elles n’ont pas à « verdir » de leurs cousins très très éloignés. Elles se distinguent principalement par trois choses.

1. Ce sont des organismes autotrophes puisque les plantes sont capables de fabriquer leur propre matière organique à partir de sels minéraux puisés dans le sol, de dioxyde de carbone venant du ciel, la sauce prenant grâce à l’énergie du soleil. C’est ce qu’on appelle la photosynthèse. Ce terme s’oppose à l’hétérotrophie qui désigne les organismes qui se nourrissent des composés organiques préexistants. C’est cette caractéristique qui explique qu’elles soient à la base de la chaîne alimentaire.

2. Leur organisation est invariable : racines, tige et feuilles, avec bien entendu de nombreuses variations morphologiques selon les espèces (figure 8).

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Figure 8. Organisation générale d’une plante

3. Ce sont des organismes fixés au sol par leur système racinaire. Ceci les rend très dépendants de la condition de leur environnement. Cette fixité les a donc obligé à développer un grand nombre de stratégies pour faire face aux variations de leur milieu de vie, au contraire des animaux qui peuvent fuir lors d’un bouleversement. Ainsi, une plante possède bien plus de gènes qu’un animal. Par exemple, le riz possède plus de 50000 gènes quand l’homme en possède un peu plus de 20000. Et oui ! Si vous viviez les pieds dans l’eau avec pour seul nourriture l’air et l’énergie du soleil, vous seriez bien obligé d’augmenter votre possibilités  génétiques pour survivre !

De l’intelligence des plantes

C’est dans les années 80, qu’un biologiste et un chimiste, Jack Shultz et Ian Baldwin, ont bouleversé notre vision du monde végétal. Grâce à leurs travaux, publiés dans la très sérieuse revue scientifique Science en juillet 1983, ils ont pu démontrer, et accrochez vous, que les peupliers pouvaient parler ! Pas comme vous et moi devant une tasse de thé bien entendu mais via une télécommunication chimique. Les peupliers, et ce ne sont pas les seuls, se transmettent des signaux d’alerte par voie aérienne. A partir de ce point et en l’espace de 30 ans, d’autres révélations scientifiques toujours plus étonnantes n’ont cessé de venir bousculer nos idées sur le monde végétal. Grâce à l’amélioration et l’émergence de nouvelles techniques et technologies (chromatographie, spectroscopie, génie génétique,…), les plantes se révèlent avoir une complexité et des comportements aussi subtils sinon plus, que les animaux. Communication entres elles et avec d’autres espèces, capacité de réaction, sensibilité extrême, ouïe, odorat, esprit de famille, ruses … Ne tournons plus autour du pot et plongeons dès à présent dans le monde fascinant des plantes.

  • Elles bougent et elles dansent !

Et même beaucoup ! Croissance, floraison, phototropisme, plante carnivores,… Tous ces mouvements sont déjà bien connus. Et si en plus on vous dit que la plante peut se déplacer ? Mais oui, c’est possible ! Dans certains cas, la croissance annuelle de l’apex terminal (haut de la tige), associée à la destruction des parties anciennes peut se traduire par le déplacement de l’organisme entier. C’est le cas des plantes à rhizomes horizontaux comme l’iris ou le sceau de Salomon (photo 1). Chaque année, un nouvel article est formé et en même temps, les articles les plus anciens sont détruits. Si le nombre d’articles vivants reste constant, alors on assiste au déplacement global de la plante entière.

Photo 1. Sceau de salomon

Qui dit mouvement dit sens de l’équilibre ! Une équipe de biologistes dans les années 90 ont démontré que les arbres avaient eux aussi une oreille interne, partie terminale du système auditif servant à la fois pour l’audition et l’équilibre. En effet, on remarque que les mélèzes s’enracinent dans des pentes de plus de 30 % mais pourtant ils poussent verticalement ! Ce phénomène est nommé gravitropisme, terme signifiant qu’un végétal pousse droit, de bas en haut, en contrecarrant la gravité qui pourrait le faire basculer. Ceci est possible car ils possèdent des cellules, les statocystes, qui abritent des grains d’amidon qui se déplacent en fonction de la gravité et ainsi les informent de leur inclinaison. Mais l’équipe de Bruno Moulia à l’INRA de Clermont Ferrand ont montré qu’en plus les arbres perçoivent la forme de leur corps !  Ils disposent en effet de capteurs qui mesurent la variation de la pente le long de la tige et sont donc capable de ressentir leur courbure locale (S&V, mars 2013). Autre exemple plus spectaculaire, celui du mimosa sensitive qui au moindre contact tactile rétracte ses feuilles à la manière d’un escargot rétractant ses antennes quand on le chatouille un peu trop. Ou encore celui du desmodium gyrans qui réagit à la musique en « dansant ». Vous n’y croyez pas ? Vérifiez cela de vos propres yeux avec la vidéo en dessous.

L’intelligence des Plantes – extrait 3/5

Vidéo 1. L’intelligence des plantes

En fait, la plupart des mouvements végétaux nous échappent car ils se déroulent trop lentement pour notre oeil. Mais quand on accélère le temps et qu’on change de perspective pour alors adopter celle des plantes, le règne végétal prend vie de manière spectaculaire. La vidéo ci dessous est un film sublime mettant en scène les mouvements imperceptibles des plantes.

Vidéo 2. Life : l’aventure de la vie – épisode 9 : Les plantes

  • Allo, Pétunia ? Oui, c’est Violette…

Bon, oui, faut pas pousser mais on en est pas si loin… Depuis 30 ans il est scientifiquement admis que la communication entre plantes par voie aérienne est largement répandue. Les plantes s’avertissent mutuellement au moyen de molécules volatiles. Ce fait fut constaté scientifiquement sur les aulnes glutineux (Alnus Glutinosa, photo 2) grâce à l’équipe de recherche de l’Université de Radbout en Hollande. Lorsque ces dernières sont averties, celles qui sont saines renforcent leur résistance chimique et mécanique afin d’être moins attrayantes pour les chenilles qui s’approchent ; elles sécrètent une essence amère et à l’aide du vent, elles communiquent cela aux arbres aux alentours. Grâce à ce système d’alerte précoce, les végétaux ont une longueur d’avance sur leurs assaillants.

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Photo 2. Feuilles de l’Aulne glutineux

Mais il existent aussi une communication plus « discrète » car souterraine ! C’est en 2010 grâce à l’équipe de Yuan Song que cela a été prouvé sur la tomate. Lorsqu’elle tombe malade, elle envoie un message qui va être transporté par des champignons racinaires (ou mycorhizes, photo 3) permettant à ses voisines de préparer leur défense contre la maladie.

Photo 3. Manchon mycélien

Sous le sol, le mycélium d’un champignon (Amanite tue-mouches) entoure les radicelles d’un arbre d’un manchon mycélien. C’est une ectomycorhize.

Non contentes de communiquer avec leurs congénères, les plantes sont capables d’interagir avec d’autres espèces. Elles peuvent convaincre insectes, oiseaux ou encore chauve-souris de transporter leurs graines moyennant quelques gouttes de nectar ou en leur faisant miroiter quelques galipettes en prenant l’apparence d’un partenaire sexuel potentiel. Cette spécialité est attribuable aux plantes à fleurs qui font preuves d’une ingéniosité sans limite pour se reproduire. Elles se sont ainsi largement impliquées dans l’évolution des animaux et de l’homme. Si le sujet vous intéresse on vous suggère cette vidéo.

 Vidéo 3. La force cachée des plantes, arte, 42 min47

  • Tu ne me brouteras point

On connaissait déjà les acacias ou encore les peupliers capables d’empoisonner de manière massive les ruminants qui les broutent, mais c’est surtout envers les insectes que les plantes regorgent de stratégies en matière de défense. Le tabac sauvage (Nicotiana attenuata de son petit nom) par exemple, est devenu carrément expert en la matière. Lorsqu’il est attaqué par des chenilles qui se régalent de ses feuilles (photo 4), il envoie des messages chimiques pour appeler à la rescousse les prédateurs de ses agresseurs !

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Photo 4. Rencontre entre la chenille Manduca sexta et la punaise Geocoris sur une feuille de Nicotiana attenuata. © Matthey Film

Et ce n’est pas tout ! En 2011, l’équipe de Ian Baldwin dont on a déjà parlé plus haut, a démontré que le tabac était encore plus malin que ça. Lorsque ces chenilles éclosent, le tabac va les nourrir via des trichomes, excroissances fines, chargées en sucres O-acyl. Vil piège ! Puisque ces sucres ainsi ingérés par les chenilles leur font sécréter une odeur irrésistible pour leur prédateurs qui n’ont plus qu’à suivre la piste…

  • Les 3 sens

Toucher, odorat, ouïe sont autant d’informations sensitives également précieuses pour les plantes. On vous parlait de tomate tout à l’heure, mais parlons maintenant du concombre qui doit grandement sa survie à son sens du toucher. En effet, Sicyos angulatus, le concombre, doit s’agripper aux autres plantes pour s’élever du sol et espérer avoir sa place au soleil. Pour trouver ses plantes et s’y accrocher,  Sicyos possède des vrilles (photo 5) que l’on peut comparer à de longues tentacules cherchant un support autour duquel s’enrouler. Daniel Chamovitz, de l’université de Tel Aviv à Israël, rapporte qu’en déposant un fil d’un poids de 0,25 gramme sur la vrille, on provoque son enroulement. En comparaison, un doigt humain ne parvient à détecter un fil identique que lorsque son poids atteint 2 grammes (Sciences & vie, mars 2013).

Photo 5. Vrilles du concombre

Mais comment font-elles pour tomber sur le bon support en question ? Soit les plantes disposent d’un sens de l’orientation très poussé soit il y a autre chose… Une notice consacrée à l’haptotropisme (tropisme de contact) de l’université de Jussieu, explique que la tige de la plante effectue spontanément des mouvements de circumnutation pour multiplier ses chances de rencontre avec un support. Ce comportement permet d’émettre une hypothèse assez surprenante : la plante serait en fait attirée par le support… Preuve est fait avec la Cuscute ! Cette plante parasite n’a pas de temps à perdre et doit trouver dans les soixante-douze heures suivant sa germination un hôte à parasiter (photo 6). Pour y arriver, ce vampire végétal suceur de sève, chasse à l’odorat ! C’est ce qu’a révélé l’équipe de Consuelo Moraes de l’université de Pennsylvanie.  Sans proie à proximité, la tige de Cuscute s’allonge aléatoirement, mais lorsqu’un plant de tomate se trouve dans les parages, cette dernière l’attaque en moins de vingt heures et ce, neuf fois sur dix ! Pour prouver ce fait, on observe le même phénomène lorsqu’on leurre Cuscute avec un doux parfum de tomate, parfum qu’elle préférera toujours à d’autres plantes qu’elle peut également parasiter (Sciences & vie, mars 2013).

Photo 6. Coupe transversale d’une tige parasitée. La section passe par une fraction d’une spire de cuscute (colorée en rouge). On distingue trois suçoirs qui ont pénétré dans les tissus de l’hôte et ont atteint le xylème (tissu conducteur de la sève brute) © Georges Sallé

Après l’odorat, l’ouïe. Les plantes réagissent aux ondes sonores, aux ondes électromagnétiques et aux champs magnétiques locaux. On a déjà évoqué le cas surprenant de desmodium gyrans qui danse sur des rythmes endiablés. Mais Monica Gagliano de l’université d’Australie de l’Ouest a démontré avec son équipe que le maïs captait aussi les sons ! En effet, ils ont constaté que les racines ont tendance à pousser vers la source du son quand la fréquence se trouve autour de 200 Hz. Cette capacité repose sur les mêmes capteurs mécaniques que ceux impliqués dans le toucher. Selon les chercheurs, elle pourrait constituer un moyen de communication plus rapide et moins coûteux en énergie que l’émission de composés organiques. Cette découvertes, associée à celle où certains arbres sont capables d’émettre des sons, laissent tout de même sceptiques les scientifiques et ouvrent de nouvelles perspectives d’études sur l’audition végétale (Sciences & vie, mars 2013).

Cette extrême sensibilité pourrait aller encore plus loin. Lors d’une expérience, qui a été plusieurs fois répétée devant des jurys scientifiques, Cleve Backster expert de la CIA réussissait à transformer une plante en détecteur de mensonge ! Des électrodes étaient placées sur une plante, et un homme – sans électrodes – s’asseyait devant elle. Backster disait à l’homme qu’il allait lui citer une série d’années en lui demandant si elles correspondaient à sa date de naissance, et qu’il fallait toujours répondre “non”. Invariablement, Backster pouvait deviner l’année de naissance – qui correspondait sur le graphique à une courbe galvanique bien marquée. Il a publié sa recherche dans International Journal of Parapsychology en 1968. Réalité ou arnaque scientifique ?

  • Mémoire

C’est l’incroyable constat qu’à fait Ludovic Martin, de l’université de Clermont-Ferrand, le tremble a de la mémoire et peut se souvenir d’un coup de vent pendant une semaine ! La pression du vent provoque la torsion des branches et cette torsion, l’expression d’un gène. Ce traitement répété chaque jour implique la désactivation progressive du gène en question, permettant à l’arbre de s’habituer à cette sensation inoffensive. On retrouve cette capacité d’adaptation chez mimosa pudica qui replie ses feuilles lorsqu’on soulève son pot. Si on répète l’action cinq à six fois de suite, on constate que la plante arrête de se replier face à ce phénomène alors qu’elle continue à se replier lorsqu’on la touche. Elle est donc capable de différencier et de se souvenir des effets ainsi que des comportements à adopter face à ses deux actions (Sciences & vie, mars 2013). Selon les botanistes des universités de Neuchâtel et de Lausanne, les plantes gardent en “mémoire” le souvenir d’événements stressants et transmettent à leur descendance la capacité de s’adapter aux conditions difficiles. On ne peut s’empêcher de penser que ce comportement est proche d’un mécanisme cognitif, longtemps réservé aux seuls animaux.

  • Les plantes mesurent le temps

L’hypothèse la plus courante pour expliquer leur perception de la durée du jour repose sur le couplage d’un rythme interne à la plante (horloge biologique) avec un signal lumineux externe.

“Le passage à la floraison est l’une des décisions les plus importantes que prennent les plantes. Elle doit être soigneusement contrôlée en fonction des saisons, explique Philip Wigge, du Centre John Innes. Par exemple, les plantes qui ont besoin d’être fécondées par du pollen d’autres membres de la même espèce, comme c’est le cas pour les cerisiers, doivent s’assurer qu’elles produisent des fleurs en même temps que leurs voisines.”

  •  Solidarité et esprit de famille

Plus fort encore ! L’écologue canadienne Suzanne Simard l’a démontré, les vieux pins maternent les plus jeunes ! Et cela avec une technique simple. L’équipe a marqué à faible radioactivité le CO2 absorbé par les feuilles des vieux pins. Le carbone ainsi marqué se retrouve alors dans les molécules organiques, molécules  que l’on peut alors tracer. Et surprise ! Ils ont constaté que le transfert le plus important s’opérait entre les arbres les plus vieux et imposant, les « arbres-mère », vers les plus jeunes poussant à leur pied et souvent issus de leurs graines.  Une réelle solidarité inter-générationnelle s’opère au sein de cette espèce. Lorsque vous vous promenez en forêt, vous ne soupçonnez pas que sous vos pieds existe un immense réseau de racines connectant tous les individus entres eux (photo 7) et distribuant des flux nutritifs, via les mycorhizes notamment (Sciences & vie, mars 2013).

Photo 7. Réseau racinaire souterrain

Plus précisément, les récentes études sur la parenté végétale ont démontré que les plantes étaient tout à fait capables de distinguer une racine d’une parente à celle d’une parfaite étrangère. Par exemple, en plantant côte à côte des paires de plantes soit étrangères soit issues des graines du même individu, Susan Dudley, a constaté que les plantes poussant à côté de parentes avaient moins de racines. Ainsi, les plantes, au lieu de rentrer en compétition pour la nourriture entres sœurs, privilégient le développement de leur appareil reproducteur. Autre exemple avec le trèfle, Anu Lepik, chercheuse estonienne a constaté qu’il « épargne » les racines de ses voisines apparentées, mais qu’en plus ce phénomène s’accentue avec la densité d’individu. Encore là une preuve de solidarité familiale. Quant au fraisier sauvage, Marina Semtchenko également chercheuse en Estonie, a montré que les racines de Fragaria Vesca accéléraient leur croissance lorsqu’elles rentrent en contact avec des racines d’une autre espèce tandis qu’avec sa propre espèce elles n’opèrent aucun changement. Cependant d’autres espèces comme le lierre, choisissent plutôt d’éviter toutes les racines voisines, quelle que soit leur espèce (Sciences & vie, mars 2013).

Les plantes ont-elles un cerveau ?

« Ces travaux montrent que les plantes sont capables, à un certain niveau, d’apprendre, de se souvenir et de répondre efficacement aux menaces de l’environnement, comme pourraient le faire des êtres complexes avec un système nerveux central », souligne Ariel Novoplansky, chercheur israélien de l’Université Ben Gourion.

Le concept de la plante automate est donc bien loin maintenant. Les plantes se révèlent très sophistiquées dans leur fonctionnement et ne cessent de surprendre par les stratégies qu’elles emploient pour survivre. Reconnaissance entres parentes, langage, ruses, sensations, mémoire et capacités cognitives font des plantes des organismes sociaux très évolués. D’ailleurs le terme d’éthologie végétale est aujourd’hui accepté et on étudie activement le comportement des plantes. De plus, à ce jour on a recensé au moins 700 sortes de capteurs sensoriels chez les plantes : mécanique, chimique, lumineux, thermique…ce qui en fait des êtres hypersensibles et très informés ! Cependant bien que les recherches récentes changent complètement notre vision des plantes et prouvent dans la lancée à quel point nous sommes encore ignorants sur la question, il n’en demeure pas moins de nombreuses zones d’ombres avant de comprendre pourquoi et comment ces mécanismes fonctionnent. Si le comportement intelligent des plantes est néanmoins admis des comportements aussi sophistiqués interrogent. Comment ces mécanismes peuvent exister sans l’existence d’un organe permettant de centraliser toutes leurs informations et d’adapter leurs comportements ? Peut-on parler de cognition végétale ou encore de neurobiologie végétale comparables aux animaux ? Si oui, les plantes ont-elles un cerveau ? Ou faut-il tout simplement arrêter de vouloir comparer les différents chemins choisis par les plantes et les animaux pour survivre ? La suite dans la deuxième partie de l’insoupçonnable intelligence des plantes !

Pour vous donner un avant goût, je vous invite à regarder la vidéo de la conférence TED talks de Stefano Mancuso les racines de l’intelligence des plantes filmé en juillet 2010.

Ambre

Références                                                                                                                                     =======================================================

 

Malin comme un singe, une pieuvre, un oiseau, une orchidée,…

Depuis que l’Homme sait qu’il sait, il n’a de cesse de se demander comment il en est arrivé là… Est-il l’espèce la plus intelligente sur Terre ? Aïe ! La réponse n’est finalement pas si simple ! En effet, beaucoup d’études sur les animaux mais également sur les plantes obligent le monde scientifique à repenser le concept même d’intelligence. Mais alors, c’est quoi être intelligent ?

La définition d’un concept abstrait : l’intelligence 

Pour répondre à cette question délicate, on va commencé par la bonne vieille méthode : le dictionnaire (enfin Wikipédia…profitons-en avant la censure) ! Selon ce qu’on y trouve, l’intelligence vient du latin intelligentare qui signifie  faculté de comprendre. Dérivé du latin intellegere signifiant comprendre, et dont le préfixe inter pour entre, et le radical legere, qui, comme chacun sait, signifie choisir/cueillir – pouvant être également décliné en ligare voulant dire lier – on peut alors ainsi aisément suggérer que le mot « intelligence » signifie l’aptitude à relier des éléments jusqu’alors séparés.

Ensuite, il faut noter la distinction qui existe entre « l’intelligence », qui est un concept abstrait, et le « comportement intelligent », qui est un phénomène observable et mesurable. Focalisons nous, en premier lieu, sur le concept d’intelligence :

L’intelligence n’est pas une propriété biologique comme la taille du cerveau, mais une abstraction fondée sur des jugements de valeur au sujet du comportement d’un organisme.

Abstraction, jugement de valeur… tatata… pas franchement scientifique tout ça…Et quand en plus, on sait que le concept d’intelligence est repris dans de nombreuses cultures selon leurs propres valeurs, ça complique encore les choses…

La domination actuelle, dans la culture mondiale, de l’organisation occidentale de la connaissance rend très difficile l’élaboration d’une définition qui ne soit pas autogène, alors même que, selon la culture occidentale, définir l’intelligence est compris comme un paradoxe : l’intelligence de l’homme est a priori utilisée pour se définir elle-même.

Bon, c’est le serpent qui se mord la queue mais en s’acharnant un peu on peut définir l’intelligence comme suit :

L’ensemble des facultés mentales permettant de comprendre les choses et les faits, de découvrir les relations entre eux et d’aboutir à la connaissance conceptuelle et rationnelle (par opposition à la sensation et à l’intuition). Elle se perçoit dans l’aptitude à comprendre et à s’adapter facilement à des situations nouvelles. L’intelligence peut ainsi être conçue comme la faculté d’adaptation.

Si on se concentre sur la dernière phrase, vous conviendrez sans doute avec moi que cette faculté n’est pas uniquement attribuable à l’Homme. Alors pourquoi autant de mystères et de débats autour de l’intelligence animale ? Délire narcissique ?

L’intelligence animale
En fait, en ce qui concerne les autres espèces, c’est finalement l’Homme, qui, par une série de tests, va déterminer en fonction des résultats leur degré d’intelligence. 
Si l’observateur estime qu’une espèce possède une quantité suffisante des caractéristiques comportementales qui caractérisent selon lui l’intelligence, il classera cette espèce comme plutôt intelligente.
Là, on est d’accord, ça laisse la place à l’interprétation. Et c’est en ça que définir l’intelligence des autres espèces  est problématique. Car finalement on analyse, voire on mesure un comportement. Et nous l’avons dit plus haut, on ne peut pas faire d’analogies entre « l’intelligence » et « le comportement intelligent ». Alors comment fait-on en réalité ?
L’étude de l’intelligence peut se faire selon différentes voies de recherche, chacune présentant des limites bien particulières. Parmi ces voies on peut compter l’utilisation d’outils, la mémoire et le langage.
1- L’utilisation d’outils
Le biologiste Rémy Chauvin s’est par exemple intéressé à l’utilisation d’outils développés par les animaux en fonction de situations particulières. Par exemple : des nids de feuilles cousues par certaines fauvettes, la construction de barrages par les castors et les outils proprement dits utilisés par les primates pour la pêche aux fourmis et termites ou pour casser des noix. Ces différents exemples nous démontrent qu’il ne s’agit pas d’instincts aveugles, mais de constructions pensées répondant à un but. Pour illustrer cela, voilà une vidéo plutôt étonnante montrant un corvidé en pleine action:


Un corvidé utilise un fil de fer pour attraper sa nourriture. 

2- La mémoire

En ce qui concerne les recherches sur la mémoire, on constate alors – bien loin du mythe dit du « poisson rouge » – que celle des animaux est très développée.

Les animaux vivent et se développent par un processus d’apprentissage et de traitement de l’information permettant de résoudre un problème posé par l’environnement. C’est ce qu’on appelle la cognition.

La cognition permet à un animal de faire face à des situations nouvelles mais également à des situations qui se sont déjà produites. Selon le processus de stimulus-réponse, l’animal pourra faire appel à des réflexes anciens ( article à venir sur la question).

3- Le langage

“Il ne lui manque que la parole !”

Souvent on se surprend à le dire face à un animal ayant un comportement franchement intriguant. Et en y repensant, je crois qu’on a tous plus ou moins rêvé de connaitre les pensées philosophiques de Rex le chien, ou encore de raconter ses dures journées à une fourmi compatissante et même, pourquoi pas, de pouvoir faire des blagues en se tapant dans le dos avec une otarie comme avec un pote d’armée ! Vous pensez que je divague ? Peut être mais je ne suis pourtant pas la seule que ça travaille, la preuve.


Extrait du film « Up! » – Rencontre avec Doug. Phrase préférée « Mais c’est un chien qui paaarle! »

Mais  quand il est question d’animaux, faudrait-il parler de langage ou plutôt de communication ? Des expériences avec des singes, des oiseaux et des dauphins, dont il est question plus loin, ont démontré chez eux une capacité à apprendre un langage ou quelque chose qui ressemble au langage. Mais des controverses subsistent quant à ce que ces animaux ont vraiment appris.

Le projet NIM ou la dictature du langage articulé comme preuve de l’intelligence

Dans les années 70 le fantasme de la science était de décrypter les secrets de notre langage, la discipline phare étant la sémiologie ( la science des signes, comme par exemple les symptômes en médecine), au même titre qu’aujourd’hui, tous nos espoirs reposent sur les neurosciences. C’est dans ce but que le professeur Herbert Terrace, psychologue à la Columbia University de New York, lance le projet Nim du nom du chimpanzé étudié. Bien sûr, nous le savons, les chimpanzés ne peuvent pas parler car, en comparaison à l’humain, il ne possède pas l’appareil phonatoire adéquat. La position du larynx trop haute chez les singes, pourrait expliquer leur inaptitude à articuler les sons. Ensuite viens le problème de développement cérébral, moins important chez le singe, mais je le répète, l’intelligence ne se mesure pas à la taille du cerveau***. Nous le savons tous très bien, les femmes sont plus intelligentes que les hommes malgré un cerveau légèrement plus petit…

Pour en revenir à Nim, l’idée est donc d’élever un bébé chimpanzé comme un être humain et de lui apprendre le langage des signes afin d’expérimenter ses capacités à acquérir le langage.

Outre l’histoire effroyable qui s’en est suivie et le formidable manque d’éthique des scientifiques de l’époque (à lire l’article de Pour la science), les résultats ne furent pas assez concluants pour le Pr Terrace qui, quatre ans plus tard, abandonna le projet et donc, accessoirement, abandonna Nim. Ce dernier fera, pour le remercier de sa participation, un long séjour dans un laboratoire d’expérimentation de vaccins……(entres autres……. !!!!)

Il connaît de nombreux mots et se révèle capable de les agencer, mais uniquement pour demander quelque chose. Nim n’utilise pas son vocabulaire pour s’extasier devant la beauté du monde, la gentillesse de sa baby-sitter ou raconter ses rêves. Il ne dit pas « Moi, Tarzan, Toi, Jane », et encore moins « Je t’aime », mais « Jouer », « Moi, Nim » et « Câlin ».

Doit-on en conclure que cet animal est dénué d’intelligence et donc d’intérêt ? Nim méritait-il qu’on l’arrache à son monde pour satisfaire la curiosité des Hommes comme un vulgaire « outil » ? Faut-il s’extasier « verbalement » sur le vert d’une feuille pour être digne d’être considéré comme un être vivant respectable ?

Car c’est là, à mon sens, où se situe le problème. On respecte et protège beaucoup plus les animaux – les dauphins par exemple – qu’on estime intelligent que le pauvre vers de terre qui se trémousse lamentablement dans une flaque et qu’on finira par couper en deux pour « voir s’il est encore vivant » et parce que « c’est fun ! ». Une plus grande ouverture d’esprit est nécessaire à l’Homme pour qu’il envisage enfin que le monde ne se limite pas à ce qu’il est capable de percevoir ou de faire.

*** Il faut préciser cependant qu’il existe une relation de proportionnalité évidente entre la taille du cerveau et la taille du corps : plus l’animal sera grand plus son cerveau le sera également. La différence de taille du cerveau est donc difficilement comparable entre les espèces en l’état. On parle notamment d’une moyenne de taille au sein d’une espèce. Si on compare entres différentes espèces cette moyenne en prenant en compte la taille du corps , on se rend alors compte que les primates sortent largement du lot (plus gros cerveau) et parmi les primates c’est l’homo sapiens qui remporte le prix de la « grosse tête ».

Histoires de bestioles pas si bêtes !

Koko, la femelle gorille

Les gorilles et les macaques se rapprochent le plus du niveau général de l’être humain. Koko, une femelle gorille, en est la preuve vivante ! Koko parle anglais et comprend près de 2000 mots du langage courant ainsi que des centaines d’expressions du langage des signes. Elle sait donc exprimer sa jalousie, sa joie, sa tristesse et encore bien d’autres sentiments. Symbole de la consécration, Koko est devenue la star d’un film sur sa vie, « Koko, le gorille qui parle », réalisé par Barbet Schroeder en 1978. Plus récemment, Koko a même tenu un chat sur AOL avec des internautes.  L’année dernière, Koko a refait parler d’elle à cause d’une rage de dents, parvenant à communiquer précisément son niveau de douleur sur une échelle graduée de 1 à 10. A l’aide de tableaux où des pictogrammes représentent différents états d’humeur, Koko peut suivre une conversation et même argumenter.

Pour estimer cette intelligence hors du commun, Koko a effectué un test de QI où elle a obtenu le score surprenant de 90 points. C’est à dire tout près de ce que l’on considère comme le score moyen de référence pour les êtres humains (100 points). Francine Patterson a ainsi pu démontrer que les gorilles portent en eux la quasi-totalité des aspects du comportement humain à une échelle simplement moins développée. Quand on sait que le patrimoine génétique de l’homme est commun à plus de 95% avec celui du singe, on comprend mieux les prouesses réalisées par Koko.

Dans certains pays, on se demande si la place des gorilles est vraiment au zoo. Ainsi, en Nouvelle-Zélande, une loi votée il y a peu de temps les protège contre la détention et les expériences scientifiques (Pour lire l’article en entier).

Phoenix, mademoiselle dauphin

Bien qu’ils soient moins proche que les gorilles ou les chimpanzés, les dauphins disposent par exemple d’un sens de l’orientation bien plus développé que le notre. Je vais vous parler de Phoenix le dauphin.  Cette demoiselle (encore ! ^^) qui vit à Hawaï fait l’objet, depuis plusieurs années, des travaux menés par le chercheur américain Louis Herman, spécialiste des cétacés.

Le cortex des dauphins, c’est à dire la zone dédiée au raisonnement dans le cerveau, occupe un volume supérieur d’environ 10% à celui des humains. Elle peut développer d’authentiques capacités cognitives. Louis Herman a enseigné à sa protégée un langage sonore associant des sons à des gestes. Elle a facilement assimilé un vocabulaire composé de verbes et de mots, parvenant très vite à effectuer des associations d’idées : « toucher le panier », « chercher le ballon »… Et des phrases contenant jusqu’à cinq locutions, même présentées dans le désordre, demeurent parfaitement compréhensibles pour Phoenix.

Les dauphins peuvent effectuer des opérations mentales complexes. L’écholocation en est la parfaite illustration. C’est une méthode de perception sensorielle qui leur permet de se situer dans leur environnement, de détecter les obstacles et de communiquer à très grande distance. Le cétacé assure ce type de calcul mental à une vitesse inouïe et qui défie largement les capacités humaines en la matière. En 1967, l’acousticien Wayne Batteau a mis au point une technique basée sur des ultra-sons pour communiquer avec des dauphins dressés. Le chercheur comprend alors que les cétacés disposent d’un langage transmis sur le mode syntaxique à l’image de celui de l’homme. A l’origine de l’étude, l’US Navy décide de classifier les résultats obtenus par Batteau. Autrement dit, l’intelligence des dauphins devient « secret militaire » et ne peut donc être révélée au public (pour lire l’article en entier).

Rico, le toutou

Les chiens, quant à eux, bénéficient avant tout d’une formidable capacité à comprendre des symboles de communication. Médor, Rex et les autres ne sont sans doute pas prêts à discourir mais ils pourraient assimiler beaucoup mieux qu’on ne l’imagine le langage humain. C’est ce que tend à démontrer une étude récemment publiée dans la très sérieuse revue scientifique américaine « Science ». Rico, un border collie (une race de chiens de berger) est capable de faire la différence entre 200 mots prononcés par son maître. Il suffit de prononcer à l’attention du chien un vocable concernant n’importe quel objet pour qu’il aille le chercher immédiatement sans jamais se tromper.

C’est à l’institut Max-Planck pour l’anthropologie de l’évolution, à Leipzig, une référence mondiale en matière d’étude du comportement animal, que les chercheurs ont pu non seulement vérifier que Rico comprenait très bien ce qu’on lui disait mais qu’en plus, il retenait de façon instantanée les mots qu’il n’avait jamais entendu auparavant. Ainsi, si on lui demande d’aller chercher un objet inconnu dans une pièce remplie d’objets connus, il rapporte le bon objet ! Une preuve intéressante aux yeux des chercheurs de Leipzig pour avancer l’idée que Rico fait une déduction mentale qui lui permet de comprendre que le nouveau mot concerne fatalement l’objet inconnu.  On peut demander à Rico de placer certains objets dans une boîte puis lui ordonner de n’en retirer que quelques-uns et, là encore, Rico comprend très bien !

Contrairement au dauphin qui ne se base que sur le son produit, ce chien étonnant comprend un mot quel que soit le rythme ou la tonalité avec laquelle il est prononcé. Si l’intelligence verbale et l’intelligence logique sont des réalités chez les chiens, rien n’interdit de penser qu’ils possèdent une forme d’intelligence qui, sans être comparable à celle de l’homme, pourrait bien s’en rapprocher sérieusement (Pour lire l’article en entier).

Alex, le perroquet savant

Des études réalisées spécialement sur des perroquets et des corbeaux mettent en relief l’aptitude de ces volatiles à résoudre des problèmes complexes. Les corbeaux et les perroquets possèdent ce que les scientifiques appellent « le don de la vision en couleur ». Ils sont ainsi parfaitement capables de distinguer des teintes variées et les objets ou formes qui y correspondent alors que les chiens bénéficient avant tout d’une formidable capacité à comprendre des symboles de communication. Mais avec certains, cela va un peu plus loin… Jugez-en par vous même.

Alex, le perroquet savant

Cela bouleverse pas mal d’idées reçues, à l’image du cochon de Guinée qui grâce à ses sens ultra-développés, possède une oreille très fine lui permettant de distinguer des sons inaudibles pour l’homme. Il jouit en conséquence d’un vocabulaire sonore bien plus large que d’autres espèces. Quant aux écureuils, ils savent mémoriser dans leurs déplacements des cartes mentales extrêmement précises et détaillées basées sur des images géométriques.

De plus, certains animaux à l’organisation sociale particulière, dits animaux eusociaux, ont une intelligence individuelle limitée mais forment cependant des communautés sociales capables d’adaptation intelligente lorsqu’ils sont en groupe : on parle alors d’Intelligence collective, comme c’est le cas chez les insectes sociaux.

Ces animaux qui témoignent de capacités extraordinaires ont-ils une forme de pensée ? Au nom de l’anthropomorphisme, la morale humaine répugne à se comparer aux bêtes. Ce qui reste un moyen efficace de les placer systématiquement en dessous de l’homme. Cependant, le fait d’utiliser un langage, de se repérer dans l’environnement spatial et d’avoir la conscience de son existence en cherchant à la préserver pour survivre, voilà des caractéristiques qui sont le signe d’une forme d’intelligence.

Et les plantes ?

De récentes études scientifiques montrent que les végétaux sont capables d’éprouver ses sensations et qu’ils ont une mémoire. Ils communiquent entre eux par des signaux chimiques et peuvent se défendre contre des herbivores qui dévorent leurs feuilles. Ils réagissent aussi aux caresses et à la musique, avec en particulier une plante qui est capable de « danser ».


L’esprit des plantes – documentaire de 52 minutes – à voir c’est passionnant

Ainsi, dans un débat très détendu entre Boris Cyrulnik, très animale, et Jean-Marie Pelt, plutôt végétale, se pose plutôt la question de l’intelligence de la nature qui s’oppose au concept limité d’intelligence animale (voir le débat dans les références).

Pour finir…

L’un des aspects de la recherche actuelle sur l’intelligence animale repose donc sur la définition même du concept d’intelligence. Aussi, il est nécessaire de se pencher sur la question d’appréciation des résultats d’expérimentations et des conceptions usuelles de l’intelligence humaine.

Mais tout ça donne à penser, n’est-il pas ? Moi je dis, quand l’homme sera capable d’utiliser uniquement l’énergie solaire et le dioxyde de carbone pour survivre, comme le font les plantes, alors là ! On pourra dire qu’il est au top. D’ici là, l’humilité est mère des vertus

Petite vidéo rigolote pour se détendre

Je conclurais (enfin!!!) par cette citation extraite du livre, que j’adore, l’élégance du hérisson de Muriel Barbery, publié en 2006 :

« Lorsque ça le gratte quelques part, l’homme se gratte et a conscience d’être en train de se gratter. Lui demande-t-on : que fais-tu ? Qu’il répond : je me gratte […] Pousse-t-on plus loin l’investigation (es-tu conscient que tu es conscient du fait que tu te gratte?) qu’il répond encore oui, et de même à tous les « es-tu conscient » qui se puissent rajouter. L’homme est-il pour autant moins démangé de savoir qu’il se gratte et qu’il en est conscient ? Que nenni. Savoir que ça gratte et être conscient du fait qu’on est conscient de le savoir ne change strictement rien au fait que ça gratte ».

Ambre

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RÉFÉRENCES