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Les stratégies du pique-assiette

La vie de parasites, ce n’est pas tous les jours facile. Quand on parle de parasites, on pense souvent aux ecto-parasites telles que la tique ou la sangsue, sournoisement tapies dans les herbes, qui n’attendent que la belle saison pour se repaître de nos gambettes nues et appétissantes. Mais il existe aussi une incroyable diversité de parasites internes, qui s’installent dans les tissus de leur hôte et profitent de cet environnement constant et favorable (il fait chaud, il y a à manger, c’est douillet, etc etc). En exemple, nous trouvons le tristement célèbre paludisme (unicellulaire se transmettant à l’homme via une espèce de moustique : l’anophèle), la petite douve du foie (petit animal parasitant le foie des moutons et se transmettant via un escargot puis une fourmi), ou encore le nématomorphe, parasite du criquet, dont j’avais parlé dans mon blog « le fabuleux destin du pingouin » ( dans cet article, vidéo carrément stupéfiante à voir absolument !).

Mais avant d’arriver dans l’hôte final, c’est à dire l’hôte dans lequel le parasite va se reproduire, ce dernier doit affronter de nombreux obstacles. Comme dans le cas de la petite douve du foie, les œufs pondus par le parasite se retrouvent éjectés à l’extérieur du mouton via les fèces. Leur mission, s’ils l’acceptent, est de se retrouver à nouveau dans le corps d’un mouton. Pour cela, la douve du foie passe par de multiples phases : d’abord elle se fait manger par un escargot qui va sécréter des boulettes contenant des petits parasites, dont les fourmis raffolent !!! Ainsi, ces fourmis parasitées, gambadant joyeusement dans l’herbe, finiront éventuellement par se faire manger par……….un mouton ! Mission accomplie.

Cycle de vie de la petite douve du foie

Et là vous vous dites : Mais quelle est donc la probabilité pour que cela marche?

Et bien l’évolution a été confrontée à la même question et le parasite doit parfois donner un petit coup de pouce  afin d’améliorer son taux de transmission. Pour cela, certains parasites ont élaboré des facultés absolument extraordinaires de manipulation du comportement de leurs hôtes. Le parasite a en effet 3 (gros) problèmes :

1/Être mangé pour se transmettre,

2/Être mangé par le BON hôte final, mais aussi …

3/Ne PAS être mangé trop tôt s’il n’est pas encore prêt.

Pour le premier problème, plusieurs espèces de parasites poussent leurs hôtes à se faire consommer. Par exemple, un rat « normal » fuira dès qu’il sentira la présence d’un chat, mais un rat infecté par la toxoplasmose lui, n’aura plus aucun sentiment de peur, et ira rendre visite au chat (qui s’avère être l’hôte final de la toxoplasmose) comme à n’importe quelle autre curiosité. Malheureusement pour le rat et heureusement pour le parasite, ils finiront probablement dans la gueule du chat ! Good Game pour le parasite.

Je soupçonne Jerry d'être contaminée par la toxoplasmose !

Le second problème, c’est que le parasite et son hôte doivent être consommés par le bon prédateur, sinon c’est la fin pour le parasite qui ne pourra se reproduire. Par exemple, pour la toxoplasmose, l’humain est un cul de sac qui ne peut servir à compléter son cycle de vie. En gros, il ne faut pas se faire boulotter par n’importe qui ! Certains parasites ont donc des stratégies pour éviter cela en rendant inaccessible directement ou indirectement leur hôte. Par exemple, Polymorphus minutus, un parasite des oiseaux, passe d’abord par un hôte intermédiaire : le gammare Gammarus roeseli. Le gammare est cependant un proie appréciée par moultes espèces aquatiques et notamment par d’autres gammares comme Dikerogammarus villosis (D. villosis). Quand un gammare est infecté et mis en présence de D. villosis, il va avoir une forte tendance à fuir le milieu et à se rendre indisponible pour ce prédateur. Résultat, il sera moins consommé que les gammares non infectés qui n’auront pas eu cette réaction !

Enfin, dernier souci : le parasite n’est pas toujours mature lorsque l’hôte se fait manger et cela signe clairement son arrêt de mort. Donc, certaines stratégies ont évolué afin de réduire le risque de prédation de l’hôte. Un exemple fameux est celui du paludisme (Plasmodium yoelii nigeriensis), qui réduit la « motivation » de la femelle moustique (Anopheles stephensi) à aller se nourrir lorsque le petit plasmodium n’est pas prêt. En effet, non seulement le parasite ne pourrait pas se transmettre, mais en plus le moustique risquerait fortement de finir au paradis des moustiques plats. À l’inverse, quand il est prêt, il perturbe la notion de satiété du moustique et le rend bien plus courageux que de raison pour garantir la transmission.

Femelle moustique de l'espèce Anopheles stephensi en train de siroter son diner

Trois problèmes, trois stratégies ! Maintenant, la question est de savoir comment le parasite arrive à manipuler l’hôte tel un robot. Et bien c’est généralement la sécrétion de certaines molécules par le parasite qui sont en cause, et qui altèrent le bon fonctionnement neuronal des hôtes. Mais de plus amples recherches sont nécessaires à ce sujet, affaire à suivre !

Lydie

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