Depuis que l’Homme sait qu’il sait, il n’a de cesse de se demander comment il en est arrivé là… Est-il l’espèce la plus intelligente sur Terre ? Aïe ! La réponse n’est finalement pas si simple ! En effet, beaucoup d’études sur les animaux mais également sur les plantes obligent le monde scientifique à repenser le concept même d’intelligence. Mais alors, c’est quoi être intelligent ?
La définition d’un concept abstrait : l’intelligence
Pour répondre à cette question délicate, on va commencé par la bonne vieille méthode : le dictionnaire (enfin Wikipédia…profitons-en avant la censure) ! Selon ce qu’on y trouve, l’intelligence vient du latin intelligentare qui signifie faculté de comprendre. Dérivé du latin intellegere signifiant comprendre, et dont le préfixe inter pour entre, et le radical legere, qui, comme chacun sait, signifie choisir/cueillir – pouvant être également décliné en ligare voulant dire lier – on peut alors ainsi aisément suggérer que le mot « intelligence » signifie l’aptitude à relier des éléments jusqu’alors séparés.
Ensuite, il faut noter la distinction qui existe entre « l’intelligence », qui est un concept abstrait, et le « comportement intelligent », qui est un phénomène observable et mesurable. Focalisons nous, en premier lieu, sur le concept d’intelligence :
L’intelligence n’est pas une propriété biologique comme la taille du cerveau, mais une abstraction fondée sur des jugements de valeur au sujet du comportement d’un organisme.
Abstraction, jugement de valeur… tatata… pas franchement scientifique tout ça…Et quand en plus, on sait que le concept d’intelligence est repris dans de nombreuses cultures selon leurs propres valeurs, ça complique encore les choses…
La domination actuelle, dans la culture mondiale, de l’organisation occidentale de la connaissance rend très difficile l’élaboration d’une définition qui ne soit pas autogène, alors même que, selon la culture occidentale, définir l’intelligence est compris comme un paradoxe : l’intelligence de l’homme est a priori utilisée pour se définir elle-même.
Bon, c’est le serpent qui se mord la queue mais en s’acharnant un peu on peut définir l’intelligence comme suit :
L’ensemble des facultés mentales permettant de comprendre les choses et les faits, de découvrir les relations entre eux et d’aboutir à la connaissance conceptuelle et rationnelle (par opposition à la sensation et à l’intuition). Elle se perçoit dans l’aptitude à comprendre et à s’adapter facilement à des situations nouvelles. L’intelligence peut ainsi être conçue comme la faculté d’adaptation.
Si on se concentre sur la dernière phrase, vous conviendrez sans doute avec moi que cette faculté n’est pas uniquement attribuable à l’Homme. Alors pourquoi autant de mystères et de débats autour de l’intelligence animale ? Délire narcissique ?
Si l’observateur estime qu’une espèce possède une quantité suffisante des caractéristiques comportementales qui caractérisent selon lui l’intelligence, il classera cette espèce comme plutôt intelligente.
Un corvidé utilise un fil de fer pour attraper sa nourriture.
2- La mémoire
En ce qui concerne les recherches sur la mémoire, on constate alors – bien loin du mythe dit du « poisson rouge » – que celle des animaux est très développée.
Les animaux vivent et se développent par un processus d’apprentissage et de traitement de l’information permettant de résoudre un problème posé par l’environnement. C’est ce qu’on appelle la cognition.
La cognition permet à un animal de faire face à des situations nouvelles mais également à des situations qui se sont déjà produites. Selon le processus de stimulus-réponse, l’animal pourra faire appel à des réflexes anciens ( article à venir sur la question).
3- Le langage
“Il ne lui manque que la parole !”
Souvent on se surprend à le dire face à un animal ayant un comportement franchement intriguant. Et en y repensant, je crois qu’on a tous plus ou moins rêvé de connaitre les pensées philosophiques de Rex le chien, ou encore de raconter ses dures journées à une fourmi compatissante et même, pourquoi pas, de pouvoir faire des blagues en se tapant dans le dos avec une otarie comme avec un pote d’armée ! Vous pensez que je divague ? Peut être mais je ne suis pourtant pas la seule que ça travaille, la preuve.
Extrait du film « Up! » – Rencontre avec Doug. Phrase préférée « Mais c’est un chien qui paaarle! »
Mais quand il est question d’animaux, faudrait-il parler de langage ou plutôt de communication ? Des expériences avec des singes, des oiseaux et des dauphins, dont il est question plus loin, ont démontré chez eux une capacité à apprendre un langage ou quelque chose qui ressemble au langage. Mais des controverses subsistent quant à ce que ces animaux ont vraiment appris.
Le projet NIM ou la dictature du langage articulé comme preuve de l’intelligence
Dans les années 70 le fantasme de la science était de décrypter les secrets de notre langage, la discipline phare étant la sémiologie ( la science des signes, comme par exemple les symptômes en médecine), au même titre qu’aujourd’hui, tous nos espoirs reposent sur les neurosciences. C’est dans ce but que le professeur Herbert Terrace, psychologue à la Columbia University de New York, lance le projet Nim du nom du chimpanzé étudié. Bien sûr, nous le savons, les chimpanzés ne peuvent pas parler car, en comparaison à l’humain, il ne possède pas l’appareil phonatoire adéquat. La position du larynx trop haute chez les singes, pourrait expliquer leur inaptitude à articuler les sons. Ensuite viens le problème de développement cérébral, moins important chez le singe, mais je le répète, l’intelligence ne se mesure pas à la taille du cerveau***. Nous le savons tous très bien, les femmes sont plus intelligentes que les hommes malgré un cerveau légèrement plus petit…
Pour en revenir à Nim, l’idée est donc d’élever un bébé chimpanzé comme un être humain et de lui apprendre le langage des signes afin d’expérimenter ses capacités à acquérir le langage.
Outre l’histoire effroyable qui s’en est suivie et le formidable manque d’éthique des scientifiques de l’époque (à lire l’article de Pour la science), les résultats ne furent pas assez concluants pour le Pr Terrace qui, quatre ans plus tard, abandonna le projet et donc, accessoirement, abandonna Nim. Ce dernier fera, pour le remercier de sa participation, un long séjour dans un laboratoire d’expérimentation de vaccins……(entres autres……. !!!!)
Il connaît de nombreux mots et se révèle capable de les agencer, mais uniquement pour demander quelque chose. Nim n’utilise pas son vocabulaire pour s’extasier devant la beauté du monde, la gentillesse de sa baby-sitter ou raconter ses rêves. Il ne dit pas « Moi, Tarzan, Toi, Jane », et encore moins « Je t’aime », mais « Jouer », « Moi, Nim » et « Câlin ».
Doit-on en conclure que cet animal est dénué d’intelligence et donc d’intérêt ? Nim méritait-il qu’on l’arrache à son monde pour satisfaire la curiosité des Hommes comme un vulgaire « outil » ? Faut-il s’extasier « verbalement » sur le vert d’une feuille pour être digne d’être considéré comme un être vivant respectable ?
Car c’est là, à mon sens, où se situe le problème. On respecte et protège beaucoup plus les animaux – les dauphins par exemple – qu’on estime intelligent que le pauvre vers de terre qui se trémousse lamentablement dans une flaque et qu’on finira par couper en deux pour « voir s’il est encore vivant » et parce que « c’est fun ! ». Une plus grande ouverture d’esprit est nécessaire à l’Homme pour qu’il envisage enfin que le monde ne se limite pas à ce qu’il est capable de percevoir ou de faire.
*** Il faut préciser cependant qu’il existe une relation de proportionnalité évidente entre la taille du cerveau et la taille du corps : plus l’animal sera grand plus son cerveau le sera également. La différence de taille du cerveau est donc difficilement comparable entre les espèces en l’état. On parle notamment d’une moyenne de taille au sein d’une espèce. Si on compare entres différentes espèces cette moyenne en prenant en compte la taille du corps , on se rend alors compte que les primates sortent largement du lot (plus gros cerveau) et parmi les primates c’est l’homo sapiens qui remporte le prix de la « grosse tête ».
Histoires de bestioles pas si bêtes !
Koko, la femelle gorille
Les gorilles et les macaques se rapprochent le plus du niveau général de l’être humain. Koko, une femelle gorille, en est la preuve vivante ! Koko parle anglais et comprend près de 2000 mots du langage courant ainsi que des centaines d’expressions du langage des signes. Elle sait donc exprimer sa jalousie, sa joie, sa tristesse et encore bien d’autres sentiments. Symbole de la consécration, Koko est devenue la star d’un film sur sa vie, « Koko, le gorille qui parle », réalisé par Barbet Schroeder en 1978. Plus récemment, Koko a même tenu un chat sur AOL avec des internautes. L’année dernière, Koko a refait parler d’elle à cause d’une rage de dents, parvenant à communiquer précisément son niveau de douleur sur une échelle graduée de 1 à 10. A l’aide de tableaux où des pictogrammes représentent différents états d’humeur, Koko peut suivre une conversation et même argumenter.
Pour estimer cette intelligence hors du commun, Koko a effectué un test de QI où elle a obtenu le score surprenant de 90 points. C’est à dire tout près de ce que l’on considère comme le score moyen de référence pour les êtres humains (100 points). Francine Patterson a ainsi pu démontrer que les gorilles portent en eux la quasi-totalité des aspects du comportement humain à une échelle simplement moins développée. Quand on sait que le patrimoine génétique de l’homme est commun à plus de 95% avec celui du singe, on comprend mieux les prouesses réalisées par Koko.
Dans certains pays, on se demande si la place des gorilles est vraiment au zoo. Ainsi, en Nouvelle-Zélande, une loi votée il y a peu de temps les protège contre la détention et les expériences scientifiques (Pour lire l’article en entier).
Phoenix, mademoiselle dauphin
Bien qu’ils soient moins proche que les gorilles ou les chimpanzés, les dauphins disposent par exemple d’un sens de l’orientation bien plus développé que le notre. Je vais vous parler de Phoenix le dauphin. Cette demoiselle (encore ! ^^) qui vit à Hawaï fait l’objet, depuis plusieurs années, des travaux menés par le chercheur américain Louis Herman, spécialiste des cétacés.
Le cortex des dauphins, c’est à dire la zone dédiée au raisonnement dans le cerveau, occupe un volume supérieur d’environ 10% à celui des humains. Elle peut développer d’authentiques capacités cognitives. Louis Herman a enseigné à sa protégée un langage sonore associant des sons à des gestes. Elle a facilement assimilé un vocabulaire composé de verbes et de mots, parvenant très vite à effectuer des associations d’idées : « toucher le panier », « chercher le ballon »… Et des phrases contenant jusqu’à cinq locutions, même présentées dans le désordre, demeurent parfaitement compréhensibles pour Phoenix.
Les dauphins peuvent effectuer des opérations mentales complexes. L’écholocation en est la parfaite illustration. C’est une méthode de perception sensorielle qui leur permet de se situer dans leur environnement, de détecter les obstacles et de communiquer à très grande distance. Le cétacé assure ce type de calcul mental à une vitesse inouïe et qui défie largement les capacités humaines en la matière. En 1967, l’acousticien Wayne Batteau a mis au point une technique basée sur des ultra-sons pour communiquer avec des dauphins dressés. Le chercheur comprend alors que les cétacés disposent d’un langage transmis sur le mode syntaxique à l’image de celui de l’homme. A l’origine de l’étude, l’US Navy décide de classifier les résultats obtenus par Batteau. Autrement dit, l’intelligence des dauphins devient « secret militaire » et ne peut donc être révélée au public (pour lire l’article en entier).
Rico, le toutou
Les chiens, quant à eux, bénéficient avant tout d’une formidable capacité à comprendre des symboles de communication. Médor, Rex et les autres ne sont sans doute pas prêts à discourir mais ils pourraient assimiler beaucoup mieux qu’on ne l’imagine le langage humain. C’est ce que tend à démontrer une étude récemment publiée dans la très sérieuse revue scientifique américaine « Science ». Rico, un border collie (une race de chiens de berger) est capable de faire la différence entre 200 mots prononcés par son maître. Il suffit de prononcer à l’attention du chien un vocable concernant n’importe quel objet pour qu’il aille le chercher immédiatement sans jamais se tromper.
C’est à l’institut Max-Planck pour l’anthropologie de l’évolution, à Leipzig, une référence mondiale en matière d’étude du comportement animal, que les chercheurs ont pu non seulement vérifier que Rico comprenait très bien ce qu’on lui disait mais qu’en plus, il retenait de façon instantanée les mots qu’il n’avait jamais entendu auparavant. Ainsi, si on lui demande d’aller chercher un objet inconnu dans une pièce remplie d’objets connus, il rapporte le bon objet ! Une preuve intéressante aux yeux des chercheurs de Leipzig pour avancer l’idée que Rico fait une déduction mentale qui lui permet de comprendre que le nouveau mot concerne fatalement l’objet inconnu. On peut demander à Rico de placer certains objets dans une boîte puis lui ordonner de n’en retirer que quelques-uns et, là encore, Rico comprend très bien !
Contrairement au dauphin qui ne se base que sur le son produit, ce chien étonnant comprend un mot quel que soit le rythme ou la tonalité avec laquelle il est prononcé. Si l’intelligence verbale et l’intelligence logique sont des réalités chez les chiens, rien n’interdit de penser qu’ils possèdent une forme d’intelligence qui, sans être comparable à celle de l’homme, pourrait bien s’en rapprocher sérieusement (Pour lire l’article en entier).
Alex, le perroquet savant
Des études réalisées spécialement sur des perroquets et des corbeaux mettent en relief l’aptitude de ces volatiles à résoudre des problèmes complexes. Les corbeaux et les perroquets possèdent ce que les scientifiques appellent « le don de la vision en couleur ». Ils sont ainsi parfaitement capables de distinguer des teintes variées et les objets ou formes qui y correspondent alors que les chiens bénéficient avant tout d’une formidable capacité à comprendre des symboles de communication. Mais avec certains, cela va un peu plus loin… Jugez-en par vous même.
Cela bouleverse pas mal d’idées reçues, à l’image du cochon de Guinée qui grâce à ses sens ultra-développés, possède une oreille très fine lui permettant de distinguer des sons inaudibles pour l’homme. Il jouit en conséquence d’un vocabulaire sonore bien plus large que d’autres espèces. Quant aux écureuils, ils savent mémoriser dans leurs déplacements des cartes mentales extrêmement précises et détaillées basées sur des images géométriques.
De plus, certains animaux à l’organisation sociale particulière, dits animaux eusociaux, ont une intelligence individuelle limitée mais forment cependant des communautés sociales capables d’adaptation intelligente lorsqu’ils sont en groupe : on parle alors d’Intelligence collective, comme c’est le cas chez les insectes sociaux.
Ces animaux qui témoignent de capacités extraordinaires ont-ils une forme de pensée ? Au nom de l’anthropomorphisme, la morale humaine répugne à se comparer aux bêtes. Ce qui reste un moyen efficace de les placer systématiquement en dessous de l’homme. Cependant, le fait d’utiliser un langage, de se repérer dans l’environnement spatial et d’avoir la conscience de son existence en cherchant à la préserver pour survivre, voilà des caractéristiques qui sont le signe d’une forme d’intelligence.
Et les plantes ?
De récentes études scientifiques montrent que les végétaux sont capables d’éprouver ses sensations et qu’ils ont une mémoire. Ils communiquent entre eux par des signaux chimiques et peuvent se défendre contre des herbivores qui dévorent leurs feuilles. Ils réagissent aussi aux caresses et à la musique, avec en particulier une plante qui est capable de « danser ».
L’esprit des plantes – documentaire de 52 minutes – à voir c’est passionnant
Ainsi, dans un débat très détendu entre Boris Cyrulnik, très animale, et Jean-Marie Pelt, plutôt végétale, se pose plutôt la question de l’intelligence de la nature qui s’oppose au concept limité d’intelligence animale (voir le débat dans les références).
Pour finir…
L’un des aspects de la recherche actuelle sur l’intelligence animale repose donc sur la définition même du concept d’intelligence. Aussi, il est nécessaire de se pencher sur la question d’appréciation des résultats d’expérimentations et des conceptions usuelles de l’intelligence humaine.
Mais tout ça donne à penser, n’est-il pas ? Moi je dis, quand l’homme sera capable d’utiliser uniquement l’énergie solaire et le dioxyde de carbone pour survivre, comme le font les plantes, alors là ! On pourra dire qu’il est au top. D’ici là, l’humilité est mère des vertus…
Petite vidéo rigolote pour se détendre
Je conclurais (enfin!!!) par cette citation extraite du livre, que j’adore, l’élégance du hérisson de Muriel Barbery, publié en 2006 :
« Lorsque ça le gratte quelques part, l’homme se gratte et a conscience d’être en train de se gratter. Lui demande-t-on : que fais-tu ? Qu’il répond : je me gratte […] Pousse-t-on plus loin l’investigation (es-tu conscient que tu es conscient du fait que tu te gratte?) qu’il répond encore oui, et de même à tous les « es-tu conscient » qui se puissent rajouter. L’homme est-il pour autant moins démangé de savoir qu’il se gratte et qu’il en est conscient ? Que nenni. Savoir que ça gratte et être conscient du fait qu’on est conscient de le savoir ne change strictement rien au fait que ça gratte ».
Ambre
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RÉFÉRENCES
- Article Wikipédia sur l’intelligence animale http://fr.wikipedia.org/wiki/Intelligence_animale
- Dossier sur l’intelligence animale avec Koko, Phoenix, Rico et les autres : http://psychologie.aujourdhui.com/dossier/qi-animaux-intelligence.asp
- Article Wikipédia sur l’intelligence http://fr.wikipedia.org/wiki/Intelligence
- Débat sur entre JM. Pelt et B. Cyrulnik http://www.terre.tv/fr/245_lintelligence-animale-et-vegetale